Air Canada ne respecte pas ses obligations linguistiques, a conclu mercredi la Cour fédérale. Le tribunal a donné raison à un couple d'Ottawa qui alléguait ne pas avoir bénéficié de services en français sur certains vols, alors qu'il y avait droit.

Michel et Lynda Thibodeau, qui poursuivaient Air Canada, recevront 12 000 $ en dommages-intérêts ainsi que des excuses de la part de la compagnie aérienne, si la décision n'est pas portée en appel.

M. Thibodeau n'en est pas à sa première rixe juridique avec le transporteur. Il l'avait déjà poursuivi pour des problèmes semblables au début de la décennie, avec succès.

Le transporteur devra aussi mettre sur pied, d'ici six mois, un système «visant à identifier, documenter et quantifier d'éventuelles violations à ses obligations linguistiques», a ordonné la Cour fédérale.

Air Canada a reconnu avoir manqué à ses obligations lors de trois vols empruntés par le couple en 2009, entre Toronto et Atlanta et entre Toronto et Charlotte, ainsi qu'à une reprise à l'aéroport de Toronto. Il s'agissait de trajets pour lesquels la clientèle francophone était assez nombreuse pour justifier un service bilingue, selon les normes établies par Ottawa.

Les agents de bord étaient tous unilingues anglophones à bord de deux de ces vols, alors que des annonces ont été faites uniquement en anglais sur un autre vol et dans l'aéroport de Toronto.

Contacté par La Presse Canadienne, Michel Thibodeau s'est dit satisfait du jugement prononcé par le tribunal. Il n'est toutefois pas surpris, parce que, selon lui, les problèmes systémiques étaient apparents au sein de l'entreprise.

«Là où je suis un peu déçu, c'est le montant des dommages-intérêts», a-t-il expliqué au téléphone. «J'aurais aimé que ce soit plus. Nous, on demandait 25 000 $ chacun en dommages-intérêts et 500 000 $ en dommages punitifs et exemplaires.»

Selon lui, l'ampleur des problèmes de bilinguisme dans l'entreprise aurait justifié une telle peine.

M. Thibodeau croit aussi que l'envoi d'une lettre d'excuse était nécessaire, mais pas suffisante. «J'en avais eu une lettre d'excuse en 2005, a-t-il relaté. Plusieurs années après, ils continuent à violer les droits linguistiques des francophones de façon systémique.»

En tant qu'ancienne société d'État, Air Canada a toujours l'obligation d'offrir ses services en anglais et en français.

Mercredi, la compagnie aérienne n'a pas souhaité commenter le jugement, affirmant qu'elle voulait prendre le temps nécessaire pour l'étudier. La porte-parole, Isabelle Arthur, a toutefois tenu à faire valoir qu'Air Canada prend ses obligations linguistiques très au sérieux, et que le nombre de plaintes est en baisse.

Dans un projet de lettre d'excuse publiée en annexe du jugement, Air Canada reconnaît ses torts.

«Je comprends votre insatisfaction ainsi que votre déception», y affirme Chantal Dugas, responsable du bilinguisme pour l'entreprise. «Air Canada et Jazz prennent très au sérieux leurs responsabilités linguistiques et déploient des efforts continus afin d'offrir à leurs clients un service dans la langue officielle de leur choix.»

Impératif Français, un groupe de défense des droits des francophones, s'est réjoui du jugement. Selon son président, Jean-Paul Perreault, Air Canada figure en bonne place sur la liste des institutions délinquantes.

«C'est l'ensemble de la francophonie qu'Air Canada bafoue depuis de nombreuses années», a affirmé M. Perreault, au cours d'une entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne. «Nous osons espérer que le message, cette fois-ci, sera compris et qu'Air Canada perdra le goût de continuer à insulter les francophones et la francophonie au Canada.»

Malgré son verdict, la Cour fédérale a dit reconnaître qu'Air Canada déployait des efforts de bonne foi pour se conformer à la Loi sur les langues officielles.

Sans vouloir commenter le jugement proprement dit, un porte-parole du Commissaire aux langues officielles a affirmé qu'Air Canada était l'une des institutions les plus problématiques au pays. «Il y a toujours un nombre important de plaintes chaque année - la grande majorité (provenant) de francophones», a dit Nelson Kalil, rappelant que son bureau s'était souvent penché sur la situation du bilinguisme au sein du transporteur. «C'est dans le «top» trois», a-t-il dit.