Le petit autobus nous dépose sur la crête du cirque de Mafate, un des trois grands cirques qui caractérisent le centre de l'île de La Réunion. Puis, il s'en va. Pendant les cinq prochains jours, nous ne verrons aucune voiture. Il n'y a aucune route dans le cirque de Mafate.

Au XVIIIe siècle, les esclaves des plantations de café qui prenaient la fuite, les «marrons», se réfugiaient dans cette région inaccessible, faite de forêts, de ravins et de petits pics appelés pitons. Encore aujourd'hui, le cirque n'est accessible qu'à pied, ou en hélicoptère, ce qui en fait un véritable paradis de la randonnée pédestre.

Les sentiers de La Réunion sont très bien maintenus, mais le relief est tellement tourmenté qu'on n'y trouve ni ligne droite ni terrain plat. Les sentiers montent brusquement, redescendent abruptement et profondément, contournent un gouffre, remontent...

Pour limiter l'érosion, l'Office national des forêts a placé des escaliers de pierres, de bois ou de ciment à chaque montée, à chaque descente. Heureusement, le panorama absolument spectaculaire qui s'ouvre devant nous fait oublier la douleur des muscles qui ne sont pas encore rompus à cette gymnastique.

Nous nous dirigeons vers des hameaux appelés îlets, comme pour marquer davantage leur isolement. Nous faisons une brève pause à l'Îlet à malheur, un très joli hameau qui a pris ce nom peu engageant en raison d'un massacre perpétré ici au début du XIXe siècle par un chasseur de marrons.

Aujourd'hui, l'îlet est paisible, avec sa petite chapelle, qu'un prêtre visite une fois par mois, son école où résonnent les voix d'enfants, ses fleurs colorées et ses bananiers.

Nous poursuivons notre route jusqu'à l'îlet suivant, Aurère, au nom plus souriant: en malgache, cela signifie «l'endroit où il fait bon».

Nous y retrouvons notre gîte pour la nuit, avec dortoirs et grande salle commune où l'on engouffre un délicieux repas créole. Salade, gratin de chouchou (un légume local), suivis de riz, de fèves et d'un plat principal: cari de cabri ou de poulet, boucané de porc, rougail saucisse... nous parvenons rarement à vider tous les plats tant la nourriture est abondante.

Leçon de botanique

La nouvelle journée de marche commence par une descente dans un ravin. En chemin, le guide, Juanito Boyer, parle botanique: il attire notre attention sur un arbre, le bois de rempart, ou bois tue-vache, aux baies empoisonnées. Il montre également le bois de Judas, que les locaux essayaient de faire passer pour du précieux bois de fer. Les acheteurs n'étaient cependant pas dupes de la supercherie et traitaient donc les fournisseurs de Judas. À ne pas confondre avec le bois de maquereau. En créole, un maquereau est un traître. Cet arbre est appelé ainsi parce qu'on utilise son écorce, qui se pèle en fines lamelles, pour attacher les fagots d'autres arbres. Ah, le traître!

La langue créole est vraiment colorée: il y a encore le filaos, un arbre aux feuilles si fines qu'elles semblent être des aiguilles. Au petit matin, une goutte de rosée s'accroche au bout de chaque aiguille, d'où le nom «fil-à-eau».

Nous poursuivons ainsi notre randonnée pour enfin remonter près des remparts, à l'îlet des Lataniers, où un autre gîte nous attend, un ensemble de cabanes de tôle ondulée recouvertes de fresques d'art naïf aux couleurs vives.

Les remparts... c'est le nom qu'on donne ici aux falaises impressionnantes qui bordent les cirques de La Réunion et qui culminent à plus de 2000 m d'altitude.

Après un petit-déjeuner sous la tonnelle, nous montons encore plus haut le long des remparts pour atteindre l'îlet des Orangers, où une école accueille les enfants de la région.

Nous continuons ainsi d'enchaîner les étapes pour finalement sortir du cirque de Mafate par le col du Taïbit.

Nous redescendons dans le cirque de Cilaos, très beau, mais traversé par une route. C'est, hélas, le retour à la civilisation.

Comment s'y rendre

Air France offre un vol ParisSaint-Denis à partir de l'aéroport d'Orly. Comme la plupart des vols Montréal-Paris atterrissent à Charles-de-Gaulle, il faut changer d'aéroport. On peut utiliser la navette d'Air France ou le RER.

Choisir son circuit

L'agence française Allibert offre plusieurs circuits de randonnée à La Réunion, pour tous les niveaux de forme physique. Tous les repas et l'hébergement sont inclus. Les petits-déjeuners sont cependant un peu limités et les Nord-Américains voraces feraient bien de se traîner un petit pot de beurre d'arachides.

Allibert recourt aux services de guides réunionais, ce qui permet d'avoir un contact direct et extrêmement enrichissant avec la culture créole. Au Québec, UnikTours représente Allibert.

Ceux qui veulent organiser leur propre visite doivent réserver tous les gîtes à la Maison de la montagne, à Saint-Denis.

Il y a environ 1000 km de sentiers balisés dans l'île.

La bonne saison

Les meilleurs mois sont de septembre à novembre ainsi qu'avril et mai. Il faut éviter les mois de décembre à février, saison des pluies et des cyclones.

Même pendant la saison sèche, il peut pleuvoir. Le cirque de Salazie peut recevoir plus de 6 m de pluie par année. Heureusement, le cirque de Mafate est beaucoup plus sec.

Ce qu'il faut apporter

Outre un imperméable, il faut s'apporter des vêtements chauds pour l'ascension du piton des Neiges. Il y a rarement de la neige au sommet (la dernière fois, c'était en 2003), mais il peut faire froid pendant la nuit et pendant l'attente du lever du soleil. Une tuque et des gants sont très utiles.

L'eau est potable partout et facilement accessible.

Les frais de ce voyage ont été assumés par Allibert et Air France.