Il existe sur la planète 42 micro-États reconnus par les Nations unies et une poignée d'entités territoriales qui revendiquent le statut de pays souverain. On dit que certains d'entre eux sont à peine plus grands qu'un timbre-poste. En fait, l'émission et la vente de timbres constituent deux des composantes les plus importantes de leur activité économique. Avec, dans certains cas, la vente de leur voix à l'ONU au pays le plus offrant. Valent-ils la peine d'être visités?

EUROPE

Le Vatican

Avec ses 0,44 km2 et sa population d'environ 800 habitants (dont 450 détiennent effectivement la citoyenneté vaticane), c'est le plus petit pays du monde reconnu par les instances internationales. Il doit son existence juridique actuelle aux accords du Latran, conclus en février 1929 avec le gouvernement de Mussolini. Ce traité lui accorde aussi la souveraineté sur certains ensembles immobiliers enclavés dans la ville de Rome et les environs: le Latran (avec la basilique et le palais du même nom), la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, la basilique Sainte-Marie-Majeure, le complexe de Castel Gandolfo et quelques autres palais, pour une superficie totale de 0,7 km2. Si la langue officielle de l'État est l'italien et la langue juridique le latin, le français est la langue de la diplomatie et le Vatican se présente comme un État francophone devant les organisations internationales comme l'ONU ou l'UNESCO.

On y va? Absolument! Pour les musées (la Pinacothèque, le Musée grégorien, la chapelle Sixtine, les chambres de Raphaël...), la colonnade du Bernin sur la place Saint-Pierre, la basilique Saint-Pierre et les jardins (qu'on visite en groupe sur réservation).

Monaco

Cette principauté, qui compte 32 800 habitants sur une superficie de 1,97 km2, peut se prévaloir de la plus forte densité de population du monde (16 600 habitants/km2). Mais les détenteurs de la citoyenneté monégasque, qui sont exonérés d'impôt, ne comptent que pour 20% de la population, le reste étant constitué de Français (plus de 30%) et de titulaires d'autres nationalités. Avec un PIB moyen de 222 000$US par tête (37 000$ pour le Canada), la principauté affiche le revenu par habitant le plus élevé du monde. Les recettes tirées du fameux casino, qui ont longtemps constitué la plus importante source de revenu de l'État, ne lui fournissent plus que 4% de son budget. Comme la valeur de l'immobilier monégasque atteint des hauteurs stratosphériques, c'est l'impôt foncier qui alimente la plus grande partie du budget national.

On y va? À l'occasion d'un passage sur la Côte d'Azur, pourquoi pas? On peut en profiter pour dîner chez Joël Robuchon, au restaurant principal de l'hôtel Métropole ou encore au Louis XV, le restaurant d'Alain Ducasse dans l'hôtel de Paris. Et, ainsi, observer la jet-set de plus près...

Saint-Marin

Cette république - la plus ancienne du monde en exercice, après l'Islande - aurait dû être annexée à l'Italie lors de la réunification orchestrée par Garibaldi, au milieu du XIXe siècle. Mais le même Garibaldi y a trouvé refuge à plusieurs reprises lorsqu'il a dû échapper aux troupes du roi de Naples. Reconnaissant, il s'est abstenu de l'envahir avec son armée. L'État, dont les 30 000 habitants sont entassés sur 61 km2, n'est pas membre de l'Union européenne, mais utilise néanmoins l'euro comme monnaie. Le fameux Grand Prix de Formule 1 de San Marino - son nom italien, se déroule non pas sur son territoire, trop exigu pour abriter un circuit de course, mais sur celui de la ville d'Imola, située à 100 km au nord.

On y va? Peut-être, en passant sur la route qui mène de Florence (ou de Bologne) à Ancône. Surtout le 3 septembre, journée de la fête nationale célébrée en musique, en faisant bombance.

Le Liechtenstein

Enclavée entre la Suisse et l'Autriche, la principauté du Liechtenstein totalise 160 km2 et compte 36 000 habitants. C'est un paradis fiscal: 74 000 multinationales y ont leur siège social qui consiste, le plus souvent, en une simple boîte aux lettres dans un immeuble occupé par des cabinets d'avocats. Le pays bénéficie du PIB par habitant le plus élevé du monde après Monaco (111 000$ US). Il a contracté une union douanière et monétaire avec la Suisse et la monnaie officielle est le franc suisse.

On y va? En passant sur la route qui mène de Zurich à Innsbruck, par exemple. On peut s'arrêter à Vaduz pour visiter le Musée des beaux-arts et le Musée national du Liechtenstein, qui expose quelques belles pièces choisies au sein de la collection princière (une des plus belles collections privées de peinture du monde). Et tant qu'à y être, pourquoi ne pas essayer la table de l'hôtel Lowen, qui date de 1380.

Le Sealand

En 1966, un vétéran de l'armée britannique, le major Roy Bates, achetait une plateforme militaire de 550 m2 aménagée dans la mer du Nord: Fort Roughs. Comme elle se trouvait à l'extérieur des eaux territoriales, il en a proclamé l'indépendance et donné au nouvel «État» le nom de «Sealand». Le major Bates et sa femme se sont arrogé  le titre de «princes souverains de Sealand». En 1978, leur premier ministre, un avocat allemand, a fomenté un coup d'État et s'est emparé de l'île. L'histoire rocambolesque ne s'arrête pas là. Délogé par l'armée britannique, il s'est empressé de former un «gouvernement en exil». En 1987, le gouvernement britannique a étendu sa juridiction sur les eaux à 12 milles marins, en accord avec la législation internationale. Le Sealand se retrouvait donc englobé dans les eaux territoriales du Royaume Uni. La famille Bates, qui avait «repris le pouvoir», a argué que l'indépendance avait été proclamée alors que l'île se trouvait dans les eaux internationales. Après avoir envisagé de reprendre la plateforme par la force, le gouvernement britannique y a renoncé, pour éviter toute effusion de sang. En 1999, le prince Roy Bates a abdiqué en faveur de son fils, Michael. Mais sept ans plus tard, un incendie a détruit la quasi-totalité des installations, contraignant la famille Bates à l'exil. Ils ont formé un «gouvernement en exil» et continuent à vendre des passeports, des titres de noblesse et des timbres-postes du Sealand, appréciés des collectionneurs. Le plus petit pays du monde se paie donc le luxe d'avoir deux gouvernements en exil.

On y va? Pas question! Les visites sont strictement réglementées pour des «questions de sécurité».

ASIE

Les Maldives

Paradis de la plongée avec leurs eaux cristallines, les Maldives se trouvent dans l'océan Indien au sud de l'Inde et du Sri Lanka. Elles sont reliées à Colombo, capitale du Sri Lanka, par des vols quotidiens. Les 22 petites îles qui composent l'archipel totalisent 227 km2 pour une population de 380 000 habitants. Mais les Maldives sont surtout une destination de tourisme de grand luxe. Les chaînes hôtelières internationales y ont installé des villages sur pilotis, certaines chambres-maisons sont équipées d'un plancher de verre qui permet d'observer la vie sous-marine tout en sirotant son café matinal. Un de ces établissements, l'hôtel Conrad a aménagé un restaurant sous la mer. On dîne en observant la faune aquatique.  

On y va? Si on en a les moyens. Une nuit au W Retreat de l'atoll d'Ari Nord revient à plus de 2000$ par nuit pour deux personnes, repas non inclus. La suite pour quatre personne est facturée 7000$. La destination est proposée par plusieurs voyagistes québécois.

OCÉANIE

Nauru

Depuis l'épuisement des stocks de phosphates, en 2003, les principales ressources de cet îlot de 21,3 km2 (1/23 de l'île de Montréal) et 13 700 habitants sont la corruption et le blanchiment d'argent. En effet, le pays monnaie son droit de vote à l'ONU. Son principal client, à cet égard, est Taiwan, qui rétribue sa reconnaissance en tant que pays et accorde chaque année une généreuse «subvention» à ses parlementaires. Dans le même esprit, Nauru a reconnu l'indépendance des provinces géorgiennes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, en 2009, ce qui lui a valu une «subvention» de 50 millions, accordée par le gouvernement russe. Moyennant finances, le pays appuie également les tentatives du Japon de s'opposer à l'interdiction de la pêche à la baleine.

On y va? Bof! L'île de Micronésie ne compte que deux hôtels et, malgré sa végétation luxuriante, ne présente aucun point d'intérêt particulier. Des vols à destination de Nauru sont offerts à partir de Brisbane, en Australie.  

Tuvalu

Comme le point le plus élevé de l'archipel des Tuvalu (26 km2 et 12 200 habitants) culmine à 5 mètres au-dessus du niveau de la mer, on pense que les neuf atolls qui le constituent disparaîtront bientôt à cause de la montée du niveau des océans induite par le réchauffement climatique. Le gouvernement mise sur cette particularité pour attirer des touristes sur l'air de «Venez voir avant qu'il ne soit trop tard». En 2002, le premier ministre de l'époque avait annoncé son intention de poursuivre les États-Unis et l'Australie devant la Cour internationale de justice de La Haye, en invoquant leur responsabilité à titre de grands émetteurs de dioxyde de carbone. Naturellement, il espérait percevoir de substantiels dédommagements pour mettre fin aux poursuites, mais il a perdu ses élections avant d'enclencher le processus judiciaire. En attendant, les Tuvalu vendent leur voix à l'ONU aux plus offrants, comme Nauru et la plupart des 11 micro-États du Pacifique Sud.

On y va? Si on tient absolument à raconter à ses petits- enfants qu'on a vu un pays qui a disparu, avalé par la mer. Mais la thèse de la montée des océans est contestée. On peut se rendre à Tuvalu en passant par les îles Fiji, qui présentent bien plus d'intérêt sur le plan touristique.

Les îles Marshall

Un des 29 atolls et 5 îles qui composent l'archipel des Marshall porte un nom célèbre: Bikini. Le 7 mars 1946, l'armée américaine l'a fait évacuer pour, au cours des 12 années suivante, y procéder à une vingtaine d'essais nucléaires. En 2010, l'UNESCO a inscrit Bikini sur la liste du Patrimoine mondial, à titre de «symbole d'entrée de l'humanité dans l'âge nucléaire». Mais cette distinction aurait dû revenir à un autre atoll des Marshall: Rongelap. Le 1er mars 1954, l'armée fait exploser, sur Bikini, Castle Bravo, une bombe thermonucléaire de 15 mégatonnes, soit 1000 fois la puissance de celle qui a rasé Hiroshima. Une pluie de poussière radioactive poussée par les vents contamine les habitants de Rongelap, qui sont évacués 51 heures plus tard. En 1957, une partie de ceux qui n'étaient pas morts de leucémie ou d'une autre forme de cancer sont rentrés sur l'atoll qu'une commission sanitaire américaine avait déclaré à nouveau sécuritaire. À tort, semble-t-il, car les cas de cancer ont continué à se multiplier et les 308 habitants ont à nouveau été évacués en 1985, cette fois par Greenpeace. Deux dizaines d'entre eux sont rentrés au début des années 2000. Les îles Marshall occupent une superficie de 181 km2 pour une population de 62 000 habitants.

On y va? Plusieurs magazines prestigieux ont identifié Bikini comme une des meilleurs sites de plongée sous-marine de la planète. Mais pour y accéder, il faut signer une décharge stipulant qu'on renonce à toute poursuite en cas de cancer.

AUSTRALIE

La principauté de Hutt River

La principauté de Hutt River (75 km2 et 18 000 citoyens, mais 30 résidants effectifs) est enclavée dans l'ouest de l'Australie, à 595 km au nord de Perth. Opposé aux quotas agricoles imposés par le gouvernement, le propriétaire terrien de l'endroit a déclaré l'indépendance en avril 1970. L'Australie reconnait l'extraterritorialité de ce «pays» que gouverne un monarque constitutionnel, le prince Léonard 1er. Il a sa propre monnaie, le dollar de Hutt River, à parité avec le dollar australien, et il émet ses timbres qui sont honorés par les postes australiennes. Naturellement, les touristes (30 000 par an), attirés par le caractère fantaisiste de la chose, fournissent une part appréciable de ses revenus, et le reste de l'économie locale repose sur l'élevage du mouton et la vente de passeports et de timbres-postes.

On y va? Peut-être par curiosité, si on visite l'Australie-Occidentale. Mais le chemin de Perth à Hutt River est bien long pour découvrir une exploitation agricole qui ne présente aucun intérêt particulier.