Oubliez la plage et les cocotiers des touristes de passage. Quand on quitte la route qui ceinture l'île, Tahiti est une île verte qui cache de nombreux trésors. Prendre le temps de les découvrir, c'est s'offrir un voyage dans le temps.

L'un de ces trésors est la vallée de la Papenoo, la plus grande vallée de l'île où vivaient autrefois jusqu'à 15 000 personnes. Elle s'est dépeuplée progressivement au cours du XIXe siècle, alors que ses habitants gagnaient les bords de mer.

 

Pour s'y aventurer, il faut disposer d'un 4X4 robuste car la route est cahoteuse et traversée par la rivière Papenoo en de nombreux endroits, qui deviennent infranchissables lorsque le niveau de l'eau monte. Il est donc préférable de se joindre à une excursion guidée ou encore d'y aller avec des Tahitiens qui connaissent bien l'endroit.

Jean-Marie Biret, chorégraphe et directeur de la troupe de danse Manahau, m'offre de l'accompagner. À partir du village de Papenoo, nous nous engageons sur une piste rocailleuse, avec des côtes à pic et parsemée de nids-de-poule à faire frémir les Montréalais. En chemin, j'ai d'autres frissons en apercevant des hommes armés d'une carabine. «Ils chassent le cochon sauvage», m'explique Jean-Marie. Nous les saluons de la main et ils nous gratifient d'un large sourire. Jamais sourire ne m'a paru aussi rassurant.

Plus on s'enfonce dans les terres, plus on se sent seul au monde. Le parcours est saisissant, entre montagnes et vallées, cascades et torrents, lacs et sites archéologiques. Plusieurs pics ont la tête dans les nuages, et seuls le bourdonnement des moustiques et le chant des oiseaux viennent troubler le silence le plus profond.

«La vallée est habitée par les ancêtres», dit Jean-Marie en faisant référence à tous les marae (lieux de culte) qu'on y trouve. Il va parfois y faire des répétitions avec ses danseurs et y trouve l'inspiration pour ses chansons, car il est aussi auteur-compositeur. «C'est un lieu magique, hautement spirituel et chargé d'énergie. Il nous permet de nous connecter directement à nos racines», poursuit-il en exposant la philosophie de sa troupe, qui jouit maintenant d'un succès international.

«Nous faisons de la danse actuelle, ancrée dans la tradition, mais non folklorique. Ce sont des chorégraphies qui expriment ce que nous sommes aujourd'hui.» Et cela leur permet de se démarquer des nombreuses autres troupes de danses traditionnelles de Tahiti.

Autrefois, on allait dans la vallée à cheval ou à pied. La piste, qui n'a qu'une vingtaine d'années, a été tracée pour la construction de barrages hydrauliques qui fournissent une grande partie de l'électricité de l'île.

Après une vingtaine de kilomètres et au moins une heure et demie de «brassage», nous arrivons au bout de la route dans ce qu'on appelle le village de Haururu, du nom d'une association qui oeuvre pour la préservation de la vallée de la Papenoo. De jolies cabanes avec des toits en pente sont aménagées pour recevoir les visiteurs. S'y installe qui veut, il suffit d'apporter son sac de couchage. Une autre construction comprend douches, lavabos et toilettes. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le refuge est doté d'eau courante et d'électricité.

Jean-Marie m'invite à le suivre dans la cuisine, ouverte aux quatre vents sous son toit de pandanus. Tout y est: frigo, congélateur, cuisinière, etc. Pour l'instant, l'endroit est complètement désert.

«Est-ce que tu veux un café?» me demande Jean-Marie. Je crois rêver. Nous sommes au milieu des montagnes, sans personne à l'horizon et dans la cuisine, nous trouvons tout ce qu'il faut pour préparer un café. Le frigo et le congélateur contiennent des victuailles. «La plupart de ceux qui viennent apportent de la nourriture et en laissent un peu pour ceux qui viendront ensuite», raconte Jean-Marie, comme s'il s'agissait d'une évidence. Il y a des pomelos dans la corbeille à fruits, la cuisinière à gaz fonctionne et tout est d'une propreté remarquable. Voilà l'hospitalité tahitienne.

Après le café, nous visitons les sites archéologiques des alentours dont le Fare Hape, un ensemble qui regroupe un grand marae et deux autres plus petits, ainsi qu'une plateforme de tir à l'arc. Tout en marchant autour de ces lieux sacrés, Jean-Marie cueille quelques goyaves bien mûres et m'en tend une. C'est assurément la meilleure goyave que j'ai goûtée de ma vie.

En revenant vers le bâtiment-cuisine, nous nous arrêtons pour admirer quelques pétroglyphes et faisons un arrêt devant le pic du volcan qui a donné naissance à Tahiti. Cette roche est le véritable centre de l'île. C'est à la fois mystérieux et plein de vie. Je commence à croire moi aussi que l'endroit est habité par les anciens.

Après avoir mangé le poulet rôti que nous avions apporté, nous lavons et rangeons la vaisselle utilisée. Sur la route de retour, nous rencontrons d'autres visiteurs qui se dirigent vers le village Haururu.

Maintenant, quand je repense à Tahiti, ce n'est plus l'image de la plage et des cocotiers qui me vient en tête. C'est plutôt celle de la vallée de la Papenoo, avec ses arbres dont les branches ploient sous le poids de fruits mûrs et juteux. Et j'ai toujours ce merveilleux goût de goyave.

Transport assuré par Air Tahiti Nui.