Avant de s'envoler pour la Station spatiale internationale (SSI), qui gravite autour de la Terre à 350 kilomètres d'altitude, Guy Laliberté a suivi un entraînement de cinq mois à Star City, près de Moscou. Avant de participer à un vol suborbital qui le propulsera à 75 kilomètres d'altitude, Philippe Bergeron, propriétaire de l'agence de voyages montréalaise Uniktour, a suivi une session d'entraînement de quatre jours à Scottsdale, en Arizona.

C'est que le président du Cirque du Soleil, qui a été le septième touriste de l'espace, a voyagé en «Première classe cosmique», alors que Philippe Bergeron n'aura droit qu'à la version économique. Le premier a déboursé 36 millions pour séjourner 12 jours dans la Station spatiale, qui accomplit une quinzaine de révolutions quotidiennes autour de notre planète à une vitesse de 28 000 km/h. Le second propose, pour la modique somme de 95 000$US, des vols suborbitaux durant lesquels on peut avoir un aperçu de la courbure de la Terre et vivre en apesanteur pendant quelques minutes.

 

Ces sauts de puce effectués à la vitesse de Mach 3 (trois fois la vitesse du son, soit environ 3600 km/h) n'en requièrent pas moins certaines capacités physiques. La douzaine d'entreprises qui les commercialiseront à partir de 2011 (les appareils utilisés sont encore des prototypes qui ne seront au point que dans deux ou trois ans) obligeront leurs clients à subir une batterie de tests de résistance physique.

Philippe Bergeron en revient. «Nous avons passé une partie de la deuxième journée dans la chambre hypoxique, où on nous a d'abord fait «grimper» à 9000 pieds», raconte-t-il. Dans une chambre hypoxique, on reproduit les conditions qui prévalent en altitude en diminuant la proportion d'oxygène dans l'air ambiant. «Nous avions des masques à oxygène et on nous a demandé de les enlever. Puis, nous avons été invités à remettre nos masques et on nous a fait grimper, par palier, jusqu'à 40 000 pieds. L'objectif était d'étudier nos réactions et de voir si, dans un avion qui vole très haute altitude et qui subit une dépressurisation brutale, nous aurions la présence d'esprit et la coordination pour remettre nos masques à oxygène. Parmi mes compagnons, certains avaient les doigts bleus et d'autres déliraient. Moi, j'avais l'impression d'être complètement saoul.»

La veille, Philippe Bergeron et la dizaine de personnes qui l'accompagnaient (des responsables de la NASA, des candidats au vol suborbital et des distributeurs accrédités de XCore, comme lui) ont passé une batterie de tests destinés à vérifier leur condition cardiovasculaire. On leur a aussi fait revêtir la combinaison spatiale. Puis, affublés d'un masque à oxygène, ils ont été invités à s'installer dans l'étroit cockpit du Lynx Mark, l'appareil qui les propulsera au-delà de la stratosphère. L'objectif était de déceler une éventuelle propension à la claustrophobie, dans cet espace confiné.

Le troisième jour, ils ont eu droit à des vols acrobatiques dans des jets de l'armée de l'air américaine, histoire de les soumettre à des accélérations et des décélérations de l'ordre de 2G à 4G (soit de deux à quatre fois l'accélération d'un corps qui tombe en chute libre sous l'effet de la pesanteur).

«Au cours des vols suborbitaux que nous commercialisons, les passagers seront soumis à des forces de 4G pendant environ deux minutes», explique Philippe Bergeron.

Le propriétaire d'Uniktour et ses compagnons ont aussi été soumis à des tests de désorientation dans un réceptacle auquel on imprimait des mouvements brusques et désordonnés.

«Bien sûr, l'entraînement pour un vol suborbital n'est en rien comparable à celui auquel Guy Laliberté a été soumis», observe Philippe Bergeron. Mais le fondateur du Cirque du Soleil n'a pas fait ce qu'on appelle «un voyage», il a participé à une mission.

Presque tous les individus en bonne condition physique sont capables de réussir les tests requis pour les vols suborbitaux. Ceux-ci sont la version «de masse», si on peut s'exprimer ainsi, du tourisme de l'espace. Un marché évalué à 1 milliard US, dans cinq ans. Les Européens parlent d'un potentiel mondial de 15 000 clients en 2020.

Une douzaine de sociétés finalisent la mise au point d'appareils suborbitaux et commercialisent des sauts de puce à des tarifs variant de 95 000$US (pour un vol d'une heure jusqu'à une altitude de 75 km) à 200 000$ (pour un vol un peu plus long jusqu'à 110 km d'altitude). XCore, qui met au point un appareil, le Lynx, propulsé par une fusée réutilisable, prévoit exploiter trois ou quatre vols par jour à partir de 2011.