«Coney Island... Terminus, tout le monde descend!» Après avoir traversé Brooklyn, le train de la ligne D vient d'entrer en gare. Les portes s'ouvrent et, immédiatement, l'air salin nous enveloppe. La mer n'est pas loin. On visualise déjà la plage de sable blanc. Et juste à côté, les manèges voltigeant. On goûte déjà la barbe à papa, les hot-dogs et le cola.

Quarante minutes plus tôt, nous prenions le métro à Manhattan, en plein coeur de Chinatown. Il était midi, le mercure bouillait et nous n'avions qu'une envie : quitter la jungle d'asphalte. Nous voici soudain au milieu d'un autre monde. Une sorte de New York-les-Bains. Auquel on aurait annexé une partie de la Ronde. Et un terrain de baseball. Le décor a quelque chose de surréaliste. C'est bien l'Amérique, dans sa version oasis balnéaire, qui peut évoquer Atlantic City ou Wildwood. Mais nos repères temporels sont brouillés. Les enseignes que l'on croise, en déambulant le long de Surf Avenue, semblent surgir d'une autre époque.

Voyez la devanture vétuste des Pete's Clam Bar, Nick's Greasy Spoon et autres Eldorado Skooter. Les couleurs de ces vénérables échoppes semblent fatiguées. Trop de soleil, trop de pluie. Devant nos yeux, une image délavée, qui accuse le poids des années. À Coney Island, on dirait que le temps s'est arrêté en 1973. Fascinant.

Sous les pavés, la plage

Coney Island n'est plus que l'ombre de lui-même, s'est-on laissé dire. Sauf que ceux qui regrettent la belle époque sont souvent trop jeunes pour l'avoir connue. Et la nostalgie, c'est bien connu, nous fait voir en rose ce qui désormais paraît gris.

Ces considérations ne semblent pas embêter les New-Yorkais, qui, les fins de semaine d'été, débarquent en masse et colonisent la plage qui s'étend à perte de vue. Par beau temps, nous a-t-on dit, il devient difficile de trouver un endroit où étaler sa serviette de bain. En ce lundi tranquille de juillet, cependant, on ne se marche pas sur les pieds. On dirait même qu'il y a autant de maîtres nageurs que de baigneurs. Surprise agréable : l'eau est claire et invitante.

Pendant que nous nous trempons le gros orteil, nous observons les coureurs, patineurs, cyclistes et marcheurs qui défilent le long du Boardwalk. Par cette chaleur, ils auraient tellement plus d'agrément à se laisser bercer par les flots atlantiques.

Au-delà de la promenade, en toile de fond, se profilent les attractions qui constituent la signature visuelle de Coney Island. D'abord, le Parachute Jump, aujourd'hui à la retraite, semblable à une immense fleur. La tour installée il y a plus de 60 ans est l'une des rares constructions ayant traversé les décennies. Toujours en état de marche, les montagnes russes, appelées Cyclone, elles, vont et viennent depuis 1927. Comparées aux monstres contemporains, elles semblent bien modestes. Mais elles réservent sans doute encore quelque frisson du fait de leur âge canonique.

Cela dit, avec sur l'estomac quelques hot-dogs gobés chez Nathan's Famous, nous jugeons prudent de nous diriger vers une attraction moins échevelée, la grande roue.

Silence, on tourne

La Wonder Wheel, exploitée par Deno, tourne depuis 1920. D'en haut, nous profitons d'une intéressante vue d'ensemble sur les environs. Au loin, vers le nord-ouest, on peut apercevoir le pont de Brooklyn, presque effacé par une brume qui ressemble à du smog.

En regardant du côté nord-est, difficile de manquer les vilaines tours d'habitation qui ont poussé, comme de la mauvaise herbe, à la lisière du carré de sable de Coney Island. Il y a aussi, éparpillés tous azimuts, quelques terrains vagues et manèges désoeuvrés. Depuis cet observatoire élevé, les clowns ont parfois l'air un peu triste.

Sous nos pieds, les manèges du parc Astroland, son bateau pirate, ses autos tamponneuses, son carrousel, ainsi que le Kiddie Park et ses divertissements pour tout-petits... Juste à côté, l'Aquarium de New York, populaire pour ses dauphins et ses lions de mer. Les enfants en raffolent.

Revenus sur le plancher des vaches, nous sentons le pressant besoin de nous désaltérer. Cap sur le ChaCha's Bar & Cafe, situé sur la promenade, où l'on commande des rafraîchissements de circonstance. Daïquiri et piña colada, sans alcool, servis dans une énorme flûte. On est aux États-Unis, après tout. Moyennant quelques pièces de monnaie, le juke-box accepte de diffuser quelques tubes indémodables : Beatles, Beach Boys, James Brown, Marvin Gaye... Le bonheur.

Gavés de soleil, de sucre et de souvenirs, nous reprendrons bientôt le train D en direction de Manhattan. Après cet agréable voyage dans le temps, nous remettons les pendules à l'heure et laissons Coney Island vaquer à ses occupations. Exactement comme il y a 35 ans.





Infos pratiques

Où?

Coney Island est située tout au sud de Brooklyn. On y accède en métro par les lignes D, F, N et Q. On peut aussi s'y rendre en voiture. Plusieurs stationnements payants à proximité. L'entrée sur le site est gratuite. Pour les manèges, on paye à la pièce.

Quand?

Pendant l'été, ouvert tous les jours de midi à minuit. À ne pas manquer : le défilé des sirènes, fin juin; le concours de mangeurs de hot-dogs de Nathan's, début juillet.

Comment?

On recommande d'apporter sa serviette de plage, son parasol et son goûter santé (à moins de vouloir défoncer son quota de calories hebdomadaire en un repas).