Y'a des endroits exotiques auxquels on rêve, comme celui-ci... Le mot «Bali», dans ma tête, évoquait des fleurs géantes, des oiseaux multicolores, des danseuses graciles vêtues de costumes somptueux et des musiques transcendantes de gamelan.

La beauté, la pureté, la paix...

Il y a effectivement tout ça à Bali. Mais à Kuta, là où se trouvent l'aéroport et LA plage, c'est l'hystérie. Sachez que ce n'est pas un petit village au bord de la mer: c'est un gros centre commercial au bord de la crise de nerfs.

– Après la Papouasie et Sulawesi, tu vas détester, m'avait prévenu Joe, un Hawaïen hippie rencontré dans l'avion.

Joe a 60 ans, trois longs cheveux gris attachés en queue de cheval, il porte du mauve, un foulard aux couleurs de l'arc-en-ciel, et affirme que la police américaine est, en fait, une armée d'occupation. Sa maison est posée au bout d'une péninsule, sur Oahu, et il raconte qu'il doit vivre au rythme de la mer parce que sa chambre à coucher est seulement accessible à marée basse! Photographe, il aurait couvert Woodstock pour le magazine Rolling Stone, et il prétend avoir fumé des joints avec...

– Janis Joplin!

– LA Janis Joplin?

Yes sir.

Et moi qui croyais qu'elle ne prenait pas de drogue...

Un sapré beau personnage, le Joe, que j'aurais tellement aimé pouvoir observer pendant un bout de temps. Mais il partait pour Lombok, beaucoup plus «cool» selon lui. Moi, je n'avais pas le temps d'effectuer le détour. Et j'avais planifié passer cinq jours à Kuta.

– J'espère que tu fais au moins du surf, ajouta-t-il.

– Pourquoi?

– Parce que tu vas t'emmerder.

Or, je ne fais pas de surf. Et je me suis emmerdé. Ceux qui surfaient avaient l'air de bien se marrer. Ce n'est visiblement pas plate pour tout le monde. Les vagues sont impressionnantes. La plage est grande. Le sable est propre.

Mais aussitôt que vous posez votre derrière dans le sable, y'a un vendeur de lunettes fumées qui passe. Et une masseuse. Et un vendeur de montres. Et sa soeur... C'est bien simple, il n'y a que dans l'eau qu'on vous laisse tranquille. Et quand je dis «dans l'eau», il faut préciser «au moins jusqu'aux genoux». Un matin, j'étais dans l'eau jusqu'aux chevilles, et un mec m'a demandé si j'avais besoin d'un... taxi!

Lui, par contre, il m'a fait rire.

Et la ville? La ville n'a pas de cachet particulier. Enfin, même si elle en avait, du cachet, je ne l'aurais pas remarqué, parce que marcher dans la rue est un véritable cauchemar. J'en ai visité des endroits où les vendeurs et les chauffeurs de taxis étaient achalants, mais Kuta les bat tous.

– Taxi! Transport! Taxi! Come to my shop! Sir! Taxi! Transport! Shop! Sir!

Et chaque moto et voiture qui passent vous klaxonnent. Beep beep!

– Taxi? Maybe tomorrow?

Pardon? Peut-être demain? Wow. Celle-là m'a tué. Quand est-ce que vous avez hélé un taxi pour lui demander s'il pouvait vous prendre... demain?

Surtout lorsqu'il y en a un aux cinq mètres!

Puis, y'a les prostituées en scooter. Et les masseuses. Et les masseurs.

– Maybe tomorrow?

Pas une seconde de pause. À virer fou! Pour survivre du point A au point B, il faut foncer, avec des oeillères, la tête baissée, et la patience «stretchée» jusqu'à la lune. Si j'ai pas dit «non, merci» 2000 fois la première journée...

Alors. Des vacances, à Bali? Ha ha ha!

Pas à Kuta, croyez-moi. Allongez-vous au Carrefour Laval, c'est plus tranquille. Et comme m'a écrit Claude, un grand voyageur croisé en Turquie (dis bonjour à Clayre): «À Bali, ils sont gossants par bout, même par très grands bouts. Mais nous avons quand même trouvé cela très beau, sauf à Kuta, où toutes les femmes sont masseuses et tous les gars sont chauffeurs de taxi ou en connaissent un, et ceux qui restent vendent n'importe quoi. Si tu as le temps, monte à Ubud!»

Et c'est précisément ce que je vais faire, mon cher Claude. Merci du conseil, l'ami!