L'arrivée à Jakarta? Wow. C'est comme dans les films! Aussitôt que vous avez franchi le tourniquet, des dizaines de quêteux s'accrochent à vos sacs, des madames rachitiques avec des bébés dans les bras se bousculent pour vous supplier de leur offrir quelque chose à manger, et des hommes, mal rasés, s'approchent, et vous parlent de trop près, et vous postillonnent dans le visage, pendant que leurs complices, des gamins avec des petites mains, fouillent dans vos poches.

Et pendant tout ce temps, vous cherchez désespérément le bus, qui vous amènera en ville à un prix raisonnable; mais c'est mal indiqué et, quand vous refusez de prendre le taxi, les chauffeurs donnent des coups de pied dans vos valises, et ils vous crachent dessus.

(...)

Je déconne!

Vous avez vu le film The Constant Gardener?

Excusez mon retard cinématographique, mais je viens de le voir en DVD, et la scène de l'aéroport de Khartoum (dans un film sinon très bon) est une séquence tellement surfaite et bourrée de clichés que ça m'a choqué et ça m'a donné l'idée de vous faire peur ce matin. Parce que ce sont des affaires comme ça qui font que plein de gens ne veulent pas voyager. Quand vous descendez à l'aéroport de Khartoum, ou à Jakarta pendant que nous y sommes, c'est comme quand vous arrivez à Mirabel. Ou à Dubaï. Ou à Hong-Kong.

Après 50 pays, me reste encore à voir un seul mendiant aux abords d'un aéroport international. À l'intérieur, n'y songez même pas. Y'a pas un weirdo pieds nus et sale, nulle part au monde, qui passe l'étape du stationnement.

Bon. Un truc de réglé?

De Jakarta, je n'avais pas encore lu ni entendu une seule critique plaidant en sa faveur. Le premier commentaire positif que je lirai sera donc celui que je suis en train de vous écrire. Enfin, je présume qu'il sera positif, même si je n'en connais pas les mots précis (les deux seules notes prises sur Jakarta dans mon carnet sont «où est le centre-ville?» et «Djakarta, ou Jakarta?») parce que je n'ai pas eu d'impressions négatives pendant ma brève escale dans la (très) grande ville. Il n'y avait rien là d'absolument génial qui m'ait donné envie de vous en faire l'éloge, mais rien non plus qui m'ait donné envie de hurler : «N'y allez pas!» Je me garde ça pour la chronique sur Bali... Grrr!

Pour en revenir à Jakarta, c'est immense et pollué, oui, mais on y trouve aussi des grands parcs, presque propres, où le jeune Jakartanais moyen joue au football autour de monuments gigantesques et originaux (à défaut d'être beaux), dont un, très impressionnant, qui représente, je crois, le père de Mini-Fée.

Et surtout, beaucoup d'espace pour manifester... LE sport national! Je me suis retrouvé au milieu d'une manif contre le prix de l'essence, et je me suis fait des amis. Peut-être pas pour la vie, mais du moins pour l'après-midi. Je les ai quittés quand ils se sont mis à recevoir des pierres.

J'aimerais pas ça, être policier ici.

Dans le quartier des backpackers, autour de Jalan Jaksa (Jalan signifie «rue» en bahasa indonesia), un dédale de ruelles tout à fait charmantes, ma chère, vaut pleinement le coup d'être exploré. À l'ombre des grands édifices, où se prélasse la classe ouvrière, il fait chaud, et ça chlingue les égouts, les bébés pleurent, les enfants s'amusent à chasser des rats bedonnants, les ados traînent (un pléonasme?), les mamans font frire du poisson-chat, les vieux fument des cloves (des cigarettes au clou de girofle), et tout le monde vous sourit.

Puis, il y a le métro du ciel (le Skytrain), qui, à lui seul, vaut le détour. Un train d'enfer! Des vieux wagons tout déglingués dont les portes ne ferment plus, une foule nerveuse et compacte au maximum, et de ces odeurs... Ouf! L'expérience est totale. Vous saurez ensuite comment se sentent les sardines dans la boîte. À part ça, les hôtels sont abordables, la bouffe est pas mal bonne, et pas chère.

Maintenant, tout le monde tout nu!

On part en Papouasie.