Qu'est-ce qui vous réjouit le plus en voyage? Le soleil, la mer, la montagne? Les temples, les vieux quartiers, les musées? Les monokinis, les beaux Blacks en bedaine, les margaritas à 2 piasses, la marijuana en vente libre ou les nouveaux potes? Je sors me chercher un plat khmer de nouilles au lait de coco, et je vous laisse le temps de réfléchir.

Assis sur le balcon du Hope and Anchor de Phnom Penh, ça a tout l'air que je passerai ma dernière soirée au Cambodge à vous écrire, en écoutant de vieilles tounes des Rolling Stones et en regardant le soleil rougir l'eau brune du Mékong. Demain? Good morning, Vietnam!

J'en ai déjà eu des moins faciles, vous le savez. Et je ne me plains pas, au contraire! Mais j'ai un aveu à vous faire. À ce stade-ci de la saison de 3600 secondes d'extase, vous aurez peut-être noté que le contenu de mes chroniques à la télé, depuis huit semaines, est étroitement lié au voyage que j'ai entrepris il y a quatre ans, et la chronique La frousse autour du monde! Et ce n'est pas le fruit du hasard. J'ai accepté ce projet en ne révélant à personne mes intentions cachées, mais je me doutais bien que j'allais finir par être démasqué. Bravo, Mme Mailly!

L'idée de «derrière ma tête» était effectivement de rendre hommage aux peuples et aux personnes ordinaires extraordinaires que j'avais croisés au fil de mon odyssée, puis d'essayer, lecteurs fidèles, de vous traduire en images couleur les mots en noir et blanc peut-être pas toujours justes que j'avais écrits à leur sujet. J'espère que ça vous plaît.

Or, la première fois que j'ai visité le Cambodge, il y a deux ans, je m'étais trouvé une «nouvelle» famille. À Siem Reap. Vous vous souvenez? La famille Kout. Et ce n'était pas parce que j'en cherchais une : la mienne me comble et me manque terriblement à l'approche de mon anniversaire, que je fêterai encore une fois comme un grand : c'est-à-dire en faisant semblant que ça ne me dérange pas de regarder une reprise de American Funniest Videos en philipino, tout seul dans un hôtel pourri de Manille, le soir de mes 44 ans.

Mais, descendu à l'auberge des Kout par hasard, et en pleine nuit, j'avais squatté là pendant un mois. À la fin, je faisais les courses, la vaisselle, et j'enseignais au petit à jouer au baseball; j'étais le fils, le frère et le mononcle!

On devait se revoir plein de fois par la suite, mais la vie étant ce qu'elle est – surtout quand on veut pas qu'elle le soit –, nous n'allions jamais y arriver. Tout ça pour vous dire que, cette semaine, je suis finalement retourné visiter ma famille adoptive khmère pour la télé.

Et quelle joie! Y a-t-il plus touchant de savoir que, quelque part, à l'autre bout du monde, dans une contrée qui n'est pas du tout comme la vôtre, des gens vous attendent? Vous espèrent? Pendant des années? Et lorsque vous revenez, ils vous aiment! Simplement. Comme à votre première rencontre. Le temps n'a rien changé! Ils se foutent bien de votre vieille tête de vieux schnock, de votre t-shirt laid ou de vos sandales brisées : ils sont heureux que vous ayez fait l'effort de passer les visiter. That's it!

Tellement qu'ils mettent tout en oeuvre pour que vous ne repartiez pas, encore une fois! Avec a) une chambre gratuite, b) un repas familial, c) une fête avec les amis, ou d) toutes ces réponses. Ou rien qu'en vous disant : «Pose ton sac, Bruno. Bienvenue à la maison.» Parce qu'ils se souviennent de votre nom!

Alors, voilà. Vous avez réfléchi à la question posée plus haut? Moi, si. Et ce qui me réjouit le plus en voyage, c'est de revenir. Surtout pas de repartir.

It is the evening of the day/I sit and watch the children play/I sit and watch/As tears go by.

C'est ainsi que la séquence «sweet nostalgy» de mon reportage à 3600 secondes... se termine. Pour les quatre prochaines et dernières destinations, le confort du passé et des vieux amis: je me bande les yeux, et je lance une flechette sur une mappemonde. Et je vous avertis tout de suite: va falloir réapprendre à nager!