Une lectrice m'écrivait, après la lecture d'une chronique sur le Sinaï illustrée de la photo d'un chameau, que j'étais un twit parce que je visitais l'Égypte et que je n'en retenais que l'image d'un chameau.

Entendu, je suis un twit, madame, et ça, je veux bien l'admettre, surtout que la twiterie, c'est un peu mon métier. Mais je tiens à vous préciser quelque chose, à tous, avant que nous nous engagions pour une autre année de galère: j'ai un pas pire bon service au ping-pong, j'ai presque terminé mon DEC en lettres, je suis déjà arrivé à toucher mes orteils sans plier mes genoux. Mais je n'ai jamais, au grand jamais, eu le don d'ubiquité. Or, ma bonne volonté et mon sincère dévouement seuls ne suffisent pas: je ne peux pas être partout et tout faire en même temps.

J'ai essayé et j'ai pogné une hernie (et j'en ai eu pour trois longues semaines à me frotter au Ben Gay et à me faire flirter par des madames avec des cheveux mauves).

Alors, sérieusement, si l'un de ces quatre samedis, vous lisez une chronique dans laquelle je parle avec passion d'un sandwich aux oeufs pendant trois paragraphes, cela ne signifie pas nécessairement que j'ai passé la semaine à le manger; j'aurai peut-être, aussi, visité un ou deux musées, perdu mon sac, donné un coup de main à un manchot ou donné un coup de pied à un cul-de-jatte (dans un train en Inde, je vous raconte pas la méprise...).

Et s'il vous plaît, n'hésitez pas à m'écrire lorsque vous avez des interrogations : à force de garder tout ça en dedans, vous allez finir par faire de l'urticaire ou du pied d'athlète grimpant...

Allez. On repart ça doucement, sans controverse et, surtout, du bon pied.

Salvador était surexcité.

«Voilà, Bruno, je t'explique: pendant que tu te masturbes aux toilettes, ma femme Gebrewa s'installe dans le lit, prête, avec les jambes dans les airs; quand t'as fait ton truc dedans la petite assiette, je ramasse le plat, je cours à la chambre, je lui glisse ta semence, et hop, elle est enceinte! Et comme tu es du Québec, cousin, ça reste un peu dans la famille... Qu'en dis-tu?

– Euh... Franchement, Salvador?

– Gebrewa, elle t'aime bien! Elle voudrait tellement avoir un enfant! Et à mon âge, je tire à blanc... Je te file un magazine porno, si t'as besoin?»

Jusque-là, le retour en Afrique s'était déroulé presque normalement: les vols étaient tous en retard et, entre Amman et Addis Abeba, nous n'étions qu'une quinzaine à bord d'un Airbus 320 pour profiter d'un fantastique gaspillage de jet fuel.

Et à l'arrivée, évidemment, pas de bagages.

C'est par un beau matin, donc, au comptoir de la réception de l'hôtel, alors que j'essayais pour une énième fois de contacter le bureau de la compagnie d'aviation bmi (six jours que ça leur a pris, pour retrouver mon bagage, et je n'ai eu droit à aucun dédommagement), que j'ai rencontré le beau Salvador, dit l'Artiste, un Toulousain grassouillet et barbu, avec seulement trois dents, en haut, à gauche.

– C'est un sculpteur qui m'a foutu un coup de talon dans la gueule! Les sculpteurs... tous des cons!

Après un passionnant exposé sur Kandinsky (Salvador affirme que l'art abstrait est né de la montée de l'islamisme), il m'a raconté sa vie. Peintre à la retraite, Salvador a 77 ans et il est marié depuis trois ans à une Éthiopienne de 28 ans.

Quarante-neuf ans de différence? Awo (le «oui», en langue amharique, dites-le en inspirant), vous avez bien calculé. Mais ils font vraiment un beau couple, je vous assure. Ils se sont acheté une coquette maison en Afrique, et ils font pousser plein de jolies fleurs, dans un mignon petit jardin. Il y a aussi de la ciboulette, de la menthe, du basilic. Dans un coin de la cour pousse un manguier, dans l'autre coin, un splendide oranger. Salvador en est très fier. Et maintenant, après m'avoir servi des spaghettis, il veut que j'engrosse la cuisinière. Ha! De toutes les façons de commencer l'année 2008, celle-là, c'était la dernière...

Boris, mon fils, t'auras peut-être bientôt un petit frère.

PS: Bonne année à tous et soyez prudents: la veille du jour de l'An, pas d'alcool au volant!