Aujourd'hui, pas question de paresser sur la plage: nous allons escalader la Soufrière, le volcan de la Guadeloupe.

Le volcan a beau être en activité, la dernière éruption date de 1976. À l'époque, 70 000 personnes avaient dû être évacuées pendant quelques mois. Mais la Soufrière n'a pas eu d'autre accès de colère depuis. C'est donc sans trop de crainte que nous nous préparons à gravir le plus haut sommet des Petites Antilles.

Juste avant de partir, notre hôtesse Sophie examine notre tenue avec scepticisme. «Prenez au moins ces imperméables», nous ordonne-t-elle en sortant trois ponchos en plastique d'un tiroir. «On ne sait jamais quel temps il fait, là-haut.» Elle en profite pour glisser quelques bananes - qui poussent à profusion dans son jardin - dans nos sacs à dos. Nous les acceptons avec un sourire en coin, loin de nous douter que, dans quelques heures, nous la remercierons pour sa prévoyance.

Nous embarquons dans la voiture sous l'oeil vaguement inquiet de Sophie. Le chemin sinueux traverse la Basse-Terre, l'une des deux îles de la Guadeloupe. La végétation luxuriante déborde sur la route en serpentin. Puis nous arrivons à Saint-Claude, le dernier village avant la Soufrière. Lors de l'éruption de l'été 1976, cette petite commune s'était retrouvée dans l'obscurité, engloutie sous les cendres.

La route monte en virages serrés jusqu'au stationnement. Le reste de la montée se fera à pied. Devant le sentier, une pancarte met en garde les randonneurs: «Prévoyez du linge chaud! Apportez beaucoup d'eau! Ne partez pas le ventre vide!» Oups: nos vivres se résument aux bananes de Sophie et à quelques sacs de chips. Qu'à cela ne tienne, nous enfilons nos sacs à dos et partons résolument à la conquête de la Soufrière.

Nous suivons le chemin des Dames, qui fait le tour du volcan, en nous arrêtant ici et là pour lire les panneaux d'information. On y apprend que la Soufrière est toute jeune (pour un volcan, s'entend): à peine 100 000 ans. Les Guadeloupéens la surnomment pourtant «la vieille dame». Allez savoir pourquoi.

La montée s'intensifie et la végétation se raréfie. Les nuages sont de plus en plus nombreux - en fait, nous sommes carrément dans les nuages. Peu de temps après, le vent se lève et une fine pluie commence à tomber. C'est le temps d'enfiler les imperméables. Merci, Sophie!

L'ascension se complique, car la paroi est très à pic. Il faut s'agripper aux roches glissantes et jouer d'ingéniosité pour se frayer un chemin. Nous apercevons finalement un refuge de pierre, semblable à un bunker, dans lequel nous nous engouffrons. Morts de faim, nous avalons des chips et une banane - re-merci, Sophie! - et nous repartons.

Les rafales de vent sont si fortes que nous en perdons l'équilibre. Nous avançons lentement, agrippés les uns aux autres. L'odeur de soufre nous indique que nous ne sommes plus très loin du but. Le paysage, de plus en plus aride, est rempli de fumerolles. On se croirait au bout du monde. Ou sur la Lune.

Après avoir marché - ou plutôt rampé - pendant une dizaine de minutes, nous atteignons le sommet, qui culmine à 1467 mètres. Nous nous penchons au-dessus du fameux cratère. Enfin! Mais nous n'y restons que quelques secondes. Un coup de vent particulièrement violent nous lance une bouffée de vapeurs sulfureuses au visage. Nous reculons en courant.

C'est maintenant le temps de descendre. Une descente longue et pénible d'où nous émergerons sales, mouillés, affamés et les jambes tremblantes. Pas de doute: la plage sera bien méritée demain.