En Égypte, tout le monde croit que je suis italien. «Hey, Italiano! Como to my shop! Molto bene!» Je n'y comprends rien. J'ai les cheveux gris, une barbichette blanche, des lunettes rondes, et je suis habillé style «explorateur», en North Face vert armée des pieds à la tête... Italien? Corrigez-moi si je me trompe, mais moi, quand je pense italien, je pense à Gucci, Prada et à Mastroianni en complet Armani; pas à Georges Brossard en sandales Crocs.

«You have italian eyes!»

Ah! C'est donc ça! J'ai des yeux italiens. Bon. J'imagine que ça vaut mieux que des dents d'anglais ou un pif de Turc (à Istanbul, un homme a réussi, le premier, à avoir son nez dans deux continents).

* * *

Le Caire. Le thermomètre indique 43 degrés Celsius en début d'après-midi. Taux d'humidité : 92 %. Au distingué hôtel des roses (là où ça ne sent pas que les fleurs), l'ascenseur stoppe entre le premier et le deuxième.

«Merde!»

Personne pour entendre ma plainte. Faut voir l'édifice : cinq étages dont trois qui semblent abandonnés (ou devraient l'être) avec, au quatrième, un hôtel qui dissimule, derrière le comptoir de la réception, un mystérieux «night-club»: les portes ouvrent à minuit tapant – quand la lumière tourne au rouge – et jusqu'à 6 h du matin, il s'y entasse une ténébreuse clientèle, une faune bigarrée et effrayante: maquillages chargés, robes à paillettes et vestons sombres, postiches baroques, chapeaux mous et ongles rouges trop longs... Brrrr! On se croirait en 1950, dans un film d'horreur. D'ou sortent-ils? Pourquoi disparaissent-ils au lever du soleil? Sont-ils... des vampires? Je l'ignore. Mais si je rentre au Québec dans une grande cape noire, avec de grandes dents, et que je me change à l'occasion en chauve-souris, ne me faites pas confiance dans un château la nuit.

Revenons à la bonne nouvelle : je suis dans un ascenseur en panne et je suis claustrophobe. Fort heureusement, l'ascenseur est central (c'est-à-dire qu'il grimpe au milieu de l'escalier en colimaçon), et comble de chance, il n'a pas de porte.

En cas de panique, je pourrais donc très bien me faufiler dans l'espace d'environ 50 cm entre le plancher du deuxième et le plancher de l'ascenseur, et me laisser choir au premier (voyez le topo?); mais s'il fallait que l'électricité revienne au moment où mon corps est dehors et ma tête à l'intérieur...

«Coupez!»

Drôle de fin pour un comédien. 

Et dire que j'ai rêvé à la mort cette semaine... Un barbu me tirait une balle dans la tête. Pow! Et je ne ressentais aucune douleur. C'était comme si on avait court-circuité mon système électrique. J'étais agité d'un violent tremblement, incontrôlable et pourtant, indolore. Mon «esprit», qui continuait à réfléchir, se disait qu'il était enfin venu, le temps de rencontrer la Mort, et j'en étais franchement satisfait. En paix. Pas comme maintenant.

«Heeeeeey! Y'a-tu quelqu'uuuun, tab...!»

Je m'assois. J'étire les jambes. J'ai mal aux mollets d'avoir trop marché au Musée égyptien, ce matin. Je leur propose un slogan : «Des kilomètres de sarcophages!» Non mais, quelle importance ces gens-là accordaient au rite funéraire! C'est de la folie. Rien que la moitié du musée est occupée par les objets trouvés dans le tombeau de Toutankhamon (pourtant un pharaon mineur, qui ne régna que de l'âge de 9 à 18 ans) : des statues, des tables, des chaises, des pots, des bijoux, des arcs, des flèches, etc. Du délire.

Moi, je vous avertis tout de suite : après ma mort, je ne veux pas qu'on me momifie, ni qu'on m'incinère, et surtout pas qu'on me mette dans un tombeau ou un cercueil, même avec mes plus belles bébelles et mes Traction Aids : j'étoufferais là-dedans! Toutankhabrun? Non merci. Je voudrais seulement qu'on m'enterre dans un jardin, afin que j'engraisse la terre et que je serve peut-être, finalement, à faire un sandwich aux tomates. Ou une sauce à spaghat'.

Vroum, bizzzz... clang, clang. L'ascenseur redémarre. Molto bene.