Au secondaire, Miguel était le nerd de service que personne n'avait envie d'inviter dans ses partys de sous-sol. Exactement 5485 jours, trois heures et vingt secondes après l'obtention de son diplôme, il prenait sa revanche avec la sortie en salle de son film, l'une des comédies-cultes des années 80.

Tsé Miguel, j'étais moi-même un peu nerd à l'adolescence. Toi, sais-tu pourquoi on était des mal-aimés à l'école?

Les nerds sont des personnes intelligentes, mais qui ont beaucoup de difficulté à s'intégrer. Ils sont dénués d'aptitudes sociales et ça les empêche de participer aux partys ou aux danses organisés par les étudiants... Moi, jétais définitivement un nerd!

Donc tu ne l'as pas eu facile au secondaire...

Plus ou moins. Mes parents étaient des nerds eux-mêmes, donc ma famille était comme un refuge pour moi. J'ai aussi eu la chance d'obtenir mon diplôme du secondaire en 1968. C'était l'époque hippie. Tout le monde se laissait pousser les cheveux, fumait de la drogue et questionnait les valeurs traditionnelles. La société était un peu plus ouverte à la différence. Mais j'étais loin d'être populaire!

Crois-tu que Revenge of the Nerds a changé la perception que la société avait des intellos à lunettes?

Je pense que oui! Avant sa sortie en 1984, le terme nerd était seulement utilisé comme une insulte. Je pense que c'est pour ça que le film a été aussi marquant. Ça nous a enfin permis de penser qu'être nerd, ça pouvait être cool. 

Mets-en!

Mais il faut aussi dire qu'au cours des dernières décennies, on a vu beaucoup de personnes extrêmement brillantes se hisser à la tête d'organisations ou de compagnies super puissantes. Je pense à Steve Jobs, Bill Gates, Mark Zuckerberg. Ces gars-là sont des intellos bizarres, mais des intellos bizarres qui dominent la planète. Ça a aussi aidé notre cause.

D'accord, mais pendant leurs années d'études, les nerds sont-ils condamnés à « prendre leur trou »?

Quand on est grand et fort, on peut casser la gueule de n'importe qui. Mais les nerds sont réputés pour organiser des coups anonymes. J'ai grandi à Pasadena en Californie, où se trouve l'université Caltech, le paradis terrestre des nerds. Ils sont à l'origine de plusieurs légendes urbaines qui circulent dans la ville. 

Comme quoi?

Ils pouvaient par exemple démonter une voiture et la remonter la nuit à l'intérieur d'un local de classe ou organiser de fausses manifestations extraterrestres pour faire paniquer les gens. Mais ils sont surtout devenus célèbres avec le coup du Rosebowl, l'un des matchs les plus importants du football universitaire qui a lieu chaque année à Pasadena.

Qu'est-ce qu'ils ont fait?

En 1961, la rencontre opposait l'université de Washington à celle du Minnesota. Comme c'était souvent le cas lors des événements sportifs, on avait distribué à la foule des cartons de couleur ainsi que des feuilles d'instructions. Au signal des meneuses de claque, les spectateurs devaient soulever leur carton pour former tous ensemble le nom ou le logo de leur équipe, visible des gradins opposés. La logistique de la chorégraphie était d'abord élaborée par ordinateur. Cette année-là, les étudiants de Caltech avaient réussi à infiltrer le système informatique pour que les supporteurs de Washington forment plutôt les mots « Go Caltech » à leur insu. Tout le stade était mort de rire.