Paris compte près de 45 000 sans-abri. L'éducateur spécialisé Christophe Desmoulin ne les connaît pas tous, mais il en côtoie une couple dans son local de l'Armée du salut installé dans une station de métro désaffectée. Pour lui, ce sont aussi des Parisiens.

Qui sont les sans-abri parisiens?

Je travaille avec les sans domicile fixe (SDF) depuis dix ans, et le monde de la rue a beaucoup changé depuis. Avant, on avait plus de clochards français typiques alcoolos. Aujourd'hui, on a 90% d'étrangers. Ici, par exemple, on a beaucoup de jeunes Afghans, des sans-papiers. Comme ils ne parlent pas français, on leur parle anglais ou on utilise les gestes.

Comment expliquez-vous cette transformation?

Ça va par vagues, selon les situations politiques des pays. Il y a dix ans, on avait beaucoup de Polonais et de Roumains. Aujourd'hui, avec la guerre en Afghanistan, on a beaucoup d'Afghans. Ils se répartissent dans la ville selon des territoires. Dans le bout de la Tour Eiffel, il y a beaucoup de Tibétains, près de Gare du Nord, ce sont surtout des gens du Maghreb et du Moyen-Orient, à Gare de Lyon, on a beaucoup de gens des pays de l'Est, et près des Halles, ce sont surtout des toxicos.

Comment ça se fait que les gitans qu'on croise partout dans Paris, ceux que vous appelez les «roms», ne se retrouvent pas chez vous?

Les roms ont leur propre système de débrouillardise. Ils s'organisent entre eux, ils font la manche ou font travailler les enfants. Ils habitent plutôt dans des caravanes et des bidonvilles, des abris de fortune en bordure du périphérique.

Pourquoi autant de sans-papiers convergent-ils à Paris?

En fait, ils sont souvent juste de passage à Paris. Leur but ultime est de se rendre en Angleterre, où les conditions d'accueil des demandeurs d'asile sont plus favorables. Et en France, on a aussi des politiques sociales assez cool, donc parfois ils restent ici.

Quelles sont les ressources à leur disposition?

Sur Paris, tout est saturé. Pour dormir dans les centres d'hébergement, c'est galère et c'est dangereux, ils peuvent se faire voler à tout moment, et il y a des gens qui picolent. Mais pas les jeunes Afghans.

Ici, est-ce que les gens peuvent dormir?

Non, c'est plutôt un lieu où les gens peuvent se poser pendant le jour, parce que souvent, ils ont passé la nuit dans la rue. On passe des films, ils peuvent se laver et on les aide à s'insérer, par exemple en leur donnant une adresse, pour qu'ils puissent faire leurs papiers.

Pourquoi votre local a-t-il été installé dans une station de métro fantôme? Nous, on pensait que vous étiez une cachette clandestine.

C'est un accord entre la RATP et l'Armée du salut. Le métro, c'est un repaire naturel de clochards. Or, les espaces comme le nôtre ont justement été créés pour dégager le métro des SDF.

Vous avez vous-même un petit look de bum. Comment faites-vous pour travailler dans une structure aussi rigide que la bureaucratie française?

On n'est pas des curés, ici, on est des travailleurs sociaux. C'est vrai qu'il faut être un minimum investi, mais on peut s'en tirer même si on est un peu anar' : y a tellement de travail à faire!

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