Sur l'Isle Verte, une grosse tête de baleine annonce le musée du squelette de Pierre-Henry Fontaine. En fait, il s'agit d'une vieille grange de quelques pieds carrés contenant des centaines de spécimens. Attention, la visite pourrait vous prendre jusqu'à six heures si vous n'arrêtez pas le bonhomme!





Combien avez-vous de squelettes?

Je dois avoir près de 450-500 pièces.

Est-ce que ce sont tous des vrais squelettes?

Non! Mes têtes de dinosaures, ce sont des moulages. Mais ça représente bien la réalité.

Qu'est-ce qui vous a emmené à avoir un musée du squelette?

Je suis un prof de biologie à la retraite. J'ai créé mon musée pour continuer à faire l'interprétation du squelette. J'en profite aussi pour parler d'écologie, d'évolution, de racisme, etc.



Qu'est-ce que ça dit, un squelette?


Le squelette, c'est la charpente du corps de l'animal. Quand on regarde la charpente d'un bâtiment, on est capable d'identifier à quel usage il est destiné. C'est pareil pour un animal. Par exemple, on peut en apprendre beaucoup sur l'alimentation d'un animal en regardant sa dentition et sa mâchoire.

Comment avez-vous rassemblé votre collection?

Ça représente une vie! J'ai enseigné pendant 35 ans, et j'ai toujours utilisé des squelettes en classe. Ça me permettait d'intéresser les élèves avec du concret. Quand j'ai pris ma retraite, j'aurais pu m'en débarrasser, mais j'avais encore envie d'enseigner. Maintenant que j'ai le musée, je réinvestis tous les profits (le peu que je fais parce que je ne suis pas subventionné) dans l'amélioration de ma collection.



À quel âge avez-vous assemblé votre premier squelette?


Je devais avoir 12-13 ans. C'était le squelette du chat de ma tante. Elle enterrait ses chats dans un cimetière et moi je lui piratais ses squelettes.

C'est quoi la réaction des gens qui ils viennent ici?

Ils sont surpris, parce que de l'extérieur, le bâtiment ne paie pas de mine, mais à l'intérieur, c'est rempli! Et c'est extrêmement riche. Je ne crois pas qu'on trouve l'équivalent de mon musée en Amérique du Nord. Aussi, je provoque parfois des réactions assez violentes, parce que je ne suis pas très politically correct, je n'ai pas un discours qui plaît aux écologistes intégristes.

Vous qui connaissez bien les mammifères marins, avez-vous un message à envoyer à Brigitte Bardot?

Je lui dirais : «au lieu de croire, apprenez à connaître». C'est tellement facile de croire, alors que connaître, c'est difficile, ça implique des recherches. Les animalistes intégristes comme Bardot et McCartney voient la nature comme si c'était un film de Walt Disney. Pour eux, respecter l'animal, c'est ne plus lui toucher du tout. Ils croient que c'est monstrueux d'utiliser la fourrure pour se vêtir, alors que dans le fond, ce serait intelligent, en autant que ce soit bien fait.

Comment?

En faisant une bonne gestion des populations. Je trouve tout à fait ridicule qu'on interdise de chasser les blanchons, alors que la seule chose qui les distingue des jeunes phoques c'est trois semaines. La fourrure du premier vaudrait 4-5 fois plus cher si elle était commercialisée. Alors on tue un phoque quand sa fourrure ne vaut plus grand chose. C'est du gaspillage. Tant qu'à tuer un phoque, aussi bien le tuer à sa pleine valeur.

C'est mieux, la fourrure du blanchon?

Oui, c'est plus chaud, c'est plus léger, on peut le teindre de toutes les couleurs. C'est une fourrure très dense qui protège le bébé alors qu'il n'a pas assez de graisse pour combattre le froid.

Pourquoi alors c'est interdit de tuer les blanchons?

Parce que Brigitte Bardot pleure plus fort quand on tue les bébés phoques.



Vous considérez-vous quand même écolo?


Sur le plan étymologique, un écologiste, c'est celui qui étudie la maison. Notre maison, c'est la terre. C'est ce qu'on va laisser à nos petits enfants dans cent ans. À quoi ressemblera notre maison dans cent ans? Moi j'aimerais qu'ils vivent dans une belle maison. Je me bats pour ça, pour les vraies batailles qui mettent la maison en danger. Le nucléaire, c'est dangereux, les bateaux qui lavent leur cul en mer, les puits de pétrole qui ne sont pas sécuritaires. Mais les phoques n'ont pas besoin de nous, ils sont pétants de santé.

C'est nous, qui avons mis la maison en péril?

L'humain est stupide, et ce depuis le Neandertal. Il se sert dans la nature en pensant que c'est à l'infini. Il a fait disparaître des espèces, même avec des petits moyens. Quand les blancs ont commencé à payer les indiens pour avoir des peaux de loutres de mer, les indiens ont commencé à les chasser à outrance. Ils ont fait disparaître les loutres partout où leurs canots pouvaient les mener.

Finalement, les Amérindiens n'ont pas tant que ça un plus grand respect de la terre?

Les humains ont tout le temps faim, et ils se servent. Les Amérindiens, c'est la même chose. On ne sait même pas combien il y a de bélugas dans le Saint-Laurent : vous voulez me faire à croire que les Amérindiens faisaient un inventaire faunique pour gérer les populations de castors?

On a inventé une vision romantique de l'Amérindien?

Bien sûr! C'est vrai que les blancs on a fait disparaître les bisons. Mais tous les humains se servent dans la nature. Il n'y a personne qui est tombé dans la potion magique de l'écologie. C'est du folklore mal digéré tout ça.



Qu'est-ce qui vous rend le plus fier, dans votre musée?


Je pourrais dire mes moulages de têtes de dinosaures, qui m'ont coûté une fortune, mais en fait, c'est quand les gens repartent d'ici et me disent «Merci, on a appris quelque chose».