Dave 1 et P-Thugg de Chromeo sont reconnus pour leur électrofunk un peu bonbon qui parle souvent d'Amour et de Femmes. Chanteurs de pomme? Il n'y a aucun doute. Mais avec leur hit, Momma's Boy, le duo montréalais a montré que, malgré le succès et la gloire, ils continuent de se cacher sous la jupe de leurs mères. P-Thugg, le pro du talk box, explique la fleur lancée à la femme qui l'a mis au monde ...

«La chanson Momma's Boy est très représentative de la relation que j'ai avec ma mère.

Je suis arrivée au Canada à huit ans, après avoir quitté le Liban en pleine guerre civile. Les aéroports étaient bloqués, on devait sortir du pays en bateau. Je suis débarqué à Verdun. De Beyrouth à Verdun, le décalage est énorme.

Mon arrivée a été difficile. Les enfants peuvent être cruels... À l'école, on riait de mon accent libanais et de ma coupe de cheveux bizarre. Un an après, je sonnais déjà comme un Québécois. Encore aujourd'hui, à 33 ans, il y a des souvenirs que je m'efforce de supprimer.

Ma mère a joué un rôle important dans mon adaptation. Quand je revenais à la maison, la mine basse, elle essayait toujours de me redonner le sourire. C'est une femme solide sur ses pattes. Moitié italienne, moitié libanaise, elle a hérité du côté latin de ma grand-mère, de son côté inébranlable.

Tout ce que je suis, je lui dois. Elle m'a toujours épaulé: dans ma vie personnelle comme dans ma carrière. Au début de Chromeo, elle nous prêtait gentiment son sous-sol pour nos répétitions. C'est là que tout a commencé. N'empêche, j'ai souvent dû me débrouiller seul. Mes parents ont ouvert une petite épicerie pas très longtemps après être arrivés au Québec et ils trimaient dur. En me retrouvant seul, j'aurais pu basculer du côté sombre et devenir un petit voyou. Quand tu es témoin d'actes de violence à 6-7 ans, tu prends conscience très tôt du mal que peuvent faire les fusils. Je me serais senti imposteur de sortir dans la rue pour vendre de la drogue ! J'ai seulement conservé le look gangsta, mais j'ai un côté rose que j'assume à mille pour cent.



Momma's Boy, c'est Dave qui l'avait dans sa tête. Un jour, je l'ai entendu marmonner un truc et je lui ai demandé «qu'est-ce que tu fredonnes?» J'ai accroché tout de suite. C'est une chanson cute et simple. Tout est canon et voix, accompagné d'un solo de guitare. Quand on compose, c'est souvent Dave qui propose quelques lignes et un air. Ensuite, j'ajoute un peu de chair. Je développe un beat et la plupart du temps, j'écris le refrain.

Au premier degré, Momma's Boy, ça peut sembler quétaine. On parle des filles dans nos vies qui nous ont, à un moment ou un autre, rappelé notre mère. Mais tout est dans la manière de se réapproprier les choses. Francis Cabrel, par exemple, ça sonne kitsch, mais quand tu prends le temps de t'asseoir deux secondes pour l'écouter, c'est excellent. J'adore sa chanson Gardien de nuit ! Il faut assumer ses mauvais goûts et je pense que Momma's Boy, c'est comme un petit plaisir coupable. J'espère que je ne suis pas en train de miner ma réputation de macho, en disant ça ... Au fond, je suis un bad boy au coeur tendre. Un romantique.

Cette chanson, je la dédie à ma mère Patricia pour avoir changé mes couches et s'être occupé de moi jusqu'au bout.»