Depuis 30 ans, le capitaine Paul Watson écoeure physiquement les navires qui s'adonnent à la chasse à la baleine ou à la surpêche d'espèces menacées.

Résultat : il a fait couler beaucoup d'encre, mais surtout dix navires qui ont eu la mauvaise idée de violer les traités internationaux de protection de la faune marine. Entretien avec le Robin des Mers.

Pourquoi avoir fondé Sea Shepherd?

Je voulais mettre sur pied une organisation de bénévoles et de militants déterminés et passionnés. Pas un club social poli qui ferait signer des pétitions ou organiserait des activités du genre : «Adoptez une baleine». Je voulais un organisme de conservation interventionniste, pas un groupe de discussion.

Votre idée a fait du chemin...

Oui. Aujourd'hui, Sea Shepherd compte 56 personnes réparties sur nos deux bateaux, le Robert Hunter et le Farley Mowat, qui mouille au large des côtes de l'Antarctique. Nous avons aussi des équipes en permanence sur le Sirenian, un troisième bateau qui sillonne autour des îles Galapagos...

À quand remonte votre dernière intervention?

Nous avons intercepté récemment quatre navires de l'Uruguay destinés à la pêche à l'espadon en Antarctique. Nous les avons rapportés au Ministère des Pêches de la Nouvelle-Zélande.

Quelle est l'intervention la plus dangereuse de votre carrière?

Depuis trente ans, nous avons eu des confrontations avec des braconniers japonais, norvégiens, islandais et d'autres interventions ont eu lieu contre des Canadiens et des Norvégiens qui attaquaient les phoques. Il y a eu beaucoup d'interventions avec ce genre de criminels un peu partout sur la planète. J'ai été sévèrement battu par des «sealers» (chasseurs de phoques) et des «whalers» (chasseurs de baleines). Des gardes-côtes norvégiens m'ont même déjà tiré dessus! J'ai fait couler des bateaux de pêche illégaux. On m'a aussi fait couler. Au bout du compte, nous n'avons toutefois jamais causé de blessures graves et nous n'en avons pas reçu non plus.

Certains vous considèrent comme un héros, fier défenseur de la faune marine. D'autres vous perçoivent comme un extrémiste ayant perdu la raison. Et vous?

Mon but n'est pas de plaire à qui que ce soit. Mes clients sont les baleines, les dauphins, les phoques et les autres espèces marines en danger.

Sea Shepherd serait aussi l'organisation écologiste la plus détestée au monde...

Oh, nous faisons chier bien des gens. Nous sommes devenus plutôt experts en la matière! C'est une chose assez simple à accomplir en fait. Tout ce que nous avons à faire, c'est dire la vérité et confronter le public, les entreprises et les gouvernements responsables de l'exploitation sauvage de l'environnement.

Vous avez cofondé Greenpeace en 1972, mais vous êtes parti quelques années plus tard. Que pensez-vous de Greenpeace aujourd'hui?

C'est l'une des plus grandes organisations de «déculpabilisation» dans le monde. Ils commercialisent un «produit» : un abonnement à Greenpeace qui vous procure un sentiment de satisfaction et vous donne l'impression que vous faites un geste pour la planète. Ce marketing leur permet d'amasser des dizaines de millions de dollars par année et de maintenir en place une lourde bureaucratie. Greenpeace ira ensuite prendre plusieurs clichés sur les océans, où l'on voit des sauvetages d'animaux. C'est un peu comme un club qui célébrerait «l'espèce en danger du mois». Greenpeace ne fait pas partie de la solution.

Que pensez-vous de la pêche et de la chasse récréatives?

Tuer des animaux pour le «sport» est une perversion selon moi. Je n'ai aucun respect pour les chasseurs et, honnêtement, je souris chaque fois qu'un chasseur tire sur un autre... Qu'ils se tuent donc entre eux! Les pires, dans cette gang de sadiques que sont les chasseurs, sont ceux qui collectionnent les bustes et les têtes d'animaux. À mon avis, n'importe quel homme qui ressent le besoin de détruire un animal noble et beau pour en faire un trophée de chasse a de sérieux problèmes psychologiques et sexuels!