Bête noire des chantres de l'alimentation saine, des altermondialistes et des gastronomes, le fast-food a bien mauvaise presse. On le tient responsable de l'effritement des repas à table, de l'obésité grimpante et autres tares alimentaires. Du même coup, on passe sous silence le rôle qu'il joue au coeur de nos rites urbains. Songez à la poutine savourée aux petites heures, à l'incontournable hot-dog à la partie de balle-molle, à la pizza étalée au milieu des boîtes lors du déménagement, bref à tous ces moments sacrés de plaisir partagé. Et que dire du réconfort instantané que procure l'engloutissement d'un hamburger, cet alliage parfait de gras, de sel et de sucre, conjugué au délice transgressif d'envoyer paître momentanément les canons du bon goût.

Pizza

Classée au rang de patrimoine mondial de l'humanité, la pizza a longtemps été le symbole de la débrouillardise du petit peuple napolitain. Au 18e siècle, des boulangers ambulants se promenaient aux quatre coins de la ville de Naples avec une poêle en équilibre sur la tête pour vendre à prix modique cette pâte garnie aux ouvriers. Nourriture de rue pas toujours fraîche, exposée à la saleté, à la chaleur et aux mouches, la pizza jouissait d'une mauvaise réputation. Il a fallu attendre le 20e siècle pour que la pizza s'ennoblisse dans des établissements plus modernes, mais c'est surtout le fait de franchir l'océan qui lui a donné son immense popularité. Aujourd'hui, le pays natal de la pizza n'est pas son plus grand consommateur : les Américains engloutissent en moyenne 13 kilos de pizza annuellement, contre moins de 5 kilos pour les Italiens.

Poutine

La poutine, porte-étendard de l'identité québécoise! La genèse de ce mets qui décontenance encore les étrangers est à l'origine d'une éternelle guerre de clochers entre Warwick et Drummondville. En 1957, dans le village de Warwick, aux environs de Victoriaville, Jean-Guy Lainesse demande au restaurateur de sa cantine préférée de lui servir ses frites avec du fromage en grains. Dans son étonnement, le restaurateur se serait exclamé: «Ça va faire toute une poutine!» Mais ça ne pouvait pas être aussi simple... Cette version est contestée par des sources drummondvilloises qui attribuent l'invention à Jean-Paul Roy, en date de 1964. À cette époque, la «patate-sauce» était déjà une association courante pour les fins connaisseurs de la province. Au Roy-Jucep, le populaire snack-bar de M. Roy, des clients avaient l'habitude de manger un petit sac de fromage en grains avec leur plat principal. Pour que le fromage se retrouve sur les frites couvertes de sauce, il y avait moins d'un pas à franchir. Puisque ça finit à la même place, pourquoi pas tout mélanger dans l'assiette ? D'ailleurs, le mot «poutine» serait une déformation du mot pouding, qui désignait, dans le jargon de nos grands-mères, n'importe quel mélange étrange.

Hamburger

En 1904, lors d'une exposition universelle qui se tenait à St-Louis, dans l'État du Missouri, le hamburger est officiellement présenté à des goûteurs perplexes.

Le New York Times fait alors mention de l'audacieuse invention. Pourtant, en 1885, Charlie Nagreen, un jeune camelot de 15 ans originaire du Wisconsin, prétendait déjà avoir créé le hamburger alors qu'il vendait des boulettes de viande hachée dans des pains à la foire annuelle. Il est difficile de retracer le véritable acte de naissance de l'icône culinaire par excellence de l'Amérique, puisqu'au moins 12 états américains clament en être l'inventeur. Cependant, tous s'entendent pour dire que le premier restaurant de hamburgers a ouvert ses portes en 1921 au Kansas.



Hot-dog


Parmi les mets du fast-food, le hot-dog fait figure de résistant : contrairement aux burgers, pizzas, sous-marins et compagnie, il n'a pas encore été englobé par les grandes chaînes corporatives. Il n'en reste pas moins sacrément populaire: seulement aux États-Unis, 20 milliards de hot-dogs sont consommés chaque année, soit 77 fois la circonférence de la Terre à l'équateur s'ils sont mis bout à bout. Comme pour le hamburger, l'apparition du hot-dog est liée à l'immigration d'Allemands en sol américain à la fin du 19e siècle. En plus de leurs particularités alimentaires, ils ont apporté leurs chiens teckel, à la forme de saucisses. La table était mise pour une raillerie sur l'origine douteuse de la viande utilisée pour façonner les saucisses. La blague a fait mouche et l'emploi du mot «dog» pour qualifier cette nourriture à la forme oblongue s'est répandu. En 1871, un boucher dénommé Charles Feltman servait déjà des hot-dogs dans un kiosque à la fête foraine de Coney Island. Vers 1890, les vendeurs tentaient d'attirer les clients à leurs stands ambulants, les dog-carts, en scandant : «Hot dog !»