Britney Spears, Beyoncé, Lady Gaga et plusieurs autres reines de la pop s'incarnent les mercredis soir dans un studio de danse de la rue Saint-Hubert, à Montréal. Une vingtaine d'hommes et de femmes, pour la plupart juchés sur des talons surdimensionnés, s'amusent à réveiller la diva qui sommeille en eux.

Au cours de notre visite à la Scream Dance Academy, un soir de février, l'ambiance est absolument effervescente. Les élèves suivent les conseils de Lynsey Billing, qui porte une camisole sur laquelle est inscrit #danceloud, en improvisant des poses inspirées de différents styles (voguing, waacking, Broadway, jazz moderne). Un mélange inventé par la danseuse en 2014. «J'ai une grande admiration pour les drag queens et les divas comme Britney et Lady Gaga, explique la professeure. J'aime ce qu'elles exultent. Je veux aider les gens à exploiter la même chose en eux.»

Ce n'est d'ailleurs pas anodin si elle a nommé son cours «diva style». «Je trouvais ça important de ne pas donner le nom d'un style qui existait déjà pour ne pas être pris dans une forme. Dans ce cours, ce n'est pas tant une affaire de technique, mais plutôt d'attitude. J'ai envie que les élèves vivent quelque chose au lieu de simplement copier des mouvements.»

Être une pop star

Cette absence de codes rigides a séduit Kyle Cragle, un artiste de cirque de 22 ans. «Ici, je fais ce que je veux, comme je le veux», affirme le jeune homme, qui est arrivé dans le local avec d'énormes talons et un maquillage étincelant.

«La première fois que je suis venu ici, j'ai dit que c'était la classe de danse que j'avais espérée toute ma vie. Je peux être la pop star que j'ai toujours rêvé d'être, en étant entouré de gens qui me comprennent.»

Affirmant avoir été souvent jugé pour son homosexualité ou son allure plus «féminine», même en pratiquant la gymnastique et en travaillant comme contorsionniste, deux disciplines associées aux stéréotypes féminins, il se sent compris dans la classe de Lynsey. «Je peux être moi-même. Au fond, je ne veux pas être une fille, j'aime juste danser et marcher comme une fille.»

Après l'échauffement, ses collègues de classe et lui s'exercent à marcher avec un mélange de passion, de cran, de séduction et d'intensité. «Depuis que j'enseigne ces cours, j'ai vu une évolution chez moi en tant que danseuse, révèle la professeure. Je suis plus à l'aise avec mon corps, avec ce que je possède et ne possède pas. J'apprends à célébrer le positif et à oublier le négatif. On travaille beaucoup notre estime personnelle.»

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Oui, oui, on peut porter des talons ET la barbe en dansant comme une diva. Psychologue de métier, Randy Lavoie Belley 
ne se laisse pas freiner par les stéréotypes.

Pendant une heure, les mercredis, Nadine Harvey, une maman de 37 ans, ne pense qu'à elle. «Quand on est parent, nos enfants deviennent notre priorité, dit-elle. Après un certain temps, je me suis perdue en tant que femme. J'ai dû me demander quelles étaient mes passions.» Elle a alors désiré se reconnecter à un amour d'adolescence: la danse. «Dans le cours de diva style, je me donne le droit d'être sexy et d'être une femme avant d'être une mère.»

Sandra Margolian a elle aussi retrouvé le plaisir de danser après des années de pause. «Cette classe se démarque de toutes celles que j'ai prises dans ma vie, affirme la femme de 44 ans. Ici, les gens sont sans jugement. Tout le monde est cool, et je peux être moi-même en extériorisant l'extravagance qui m'habite et que je ne peux pas exprimer dans ma vie professionnelle plus traditionnelle»

Hausser sa confiance

Psychologue de métier, Randy Lavoie Belley apprécie lui aussi l'occasion de s'éloigner du sérieux de son travail en se prenant pour une diva. «La danse me permet de ne pas être dans ma tête, mais plutôt dans mon corps, entouré de gens qui s'autorisent à être pleinement qui ils sont, souligne l'homme de 33 ans. On expérimente des choses, des attitudes et des mouvements. On joue!»

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Nadine Harvey a désiré se reconnecter à un amour d'adolescence: la danse.

Suivant la classe de Lynsey Billing depuis ses débuts, il a vu une nette évolution chez lui. «J'ai réalisé qu'en plus de m'inspirer de qui j'étais pour créer ma diva, celle-ci a aussi changé qui je suis dans la vie. Mon niveau de confiance a augmenté graduellement et je suis devenu plus à l'aise avec qui je suis, sans me soucier du spectre masculin-féminin.»

Quand on lui demande pourquoi il danse en talons, il répond du tac au tac: «Pourquoi pas? Qui a décidé que les talons étaient juste pour les femmes? D'autant plus qu'historiquement, c'était surtout les hommes qui en portaient.»

Les yeux pétillants, Nadine Harvey exprime à quel point elle adore les voir aller. «J'aime dire aux gens que les mercredis soir, je danse en talons avec des garçons!» Pour sa part, Lynsey Billing est en extase. «Pour moi, c'est juste normal de voir certains gars agir ainsi. Trop de personnes n'osent pas penser outside the box. Ça me rend nerveuse quand je suis entourée de gens qui se ressemblent tous.»

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Qui a décidé que les talons étaient juste pour les femmes?