Dans le métro, au parc ou dans un festival, il suffit d'un instant pour que les enfants disparaissent. Parce qu'ils sont curieux, intrépides, malchanceux ou tout simplement inconscients, ils lâchent notre main et partent à l'aventure. Que faire pour empêcher de tels moments ?

Un petit matin du mois de juin, dans un appartement de Rosemont. Le soleil est à peine levé. La porte sonne. La mère ouvre et se retrouve nez à nez avec deux policiers. Ils escortent son fils de 4 ans qui, ce matin-là, est sorti aux petites heures se promener. Tout seul comme un grand. Récit d'une histoire rocambolesque qui aurait pu mal finir.

Attablée dans un petit café du quartier, Soumaya Messaoudi, la mère du jeune garçon, raconte sa mésaventure. Son émotion est palpable.

« Votre fils est vraiment débrouillard », lui ont gentiment dit les policiers. Il faut dire que le gamin avait réussi à s'habiller tout seul (« comme pour aller à la garderie, mais d'habitude, c'est moi qui l'habille ! »), à trouver la clé de la voiture familiale, à déverrouiller la porte d'entrée, à traverser la rue, à ouvrir l'auto, pour finalement s'asseoir - ça ne s'invente pas - dans le siège du conducteur. Tout cela avant 6 h du matin.

C'est apparemment un voisin qui aurait vu l'enfant, pour avertir ensuite la police. « Les policiers étaient eux-mêmes surpris. Oui, il est vraiment débrouillard... », laisse tomber la mère, un brin découragée.

Il faut dire que le petit n'en est pas à ses premières bravades. Il est déjà parti à la course devant la garderie, pour se cacher dans un jardin, ou encore se promener tout seul dans le quartier, en plein déménagement familial. À l'insu de ses parents, une fois de plus.

« J'ai l'impression que ça l'amuse beaucoup. Comme s'il y avait quelque chose de glorifiant... »

Chaque fois, la mère imagine le pire.

« Je commence tout de suite à imaginer les pires scénarios... Que quelqu'un le kidnappe, c'est ça qui me fait le plus peur. »

Depuis ce matin de juin, elle a fait installer un système d'alarme à la porte et prévoit faire de même avec les fenêtres. Mieux vaut prévenir...

Soumaya Messaoudi a publié le récit de son histoire, le soir même, sur le forum des Parents de Rosemont. Sans tarder, une foule de parents y sont allés de leurs propres témoignages. Une mère s'est souvenue que, gamine, sa petite soeur était sortie comme ça en pleine nuit. À l'aventure. Une autre a également perdu son enfant, encore aux couches, partie pendant sa sieste se promener dans le quartier. La mère et la fille s'étaient endormies ensemble dans le lit, mais la fillette s'était réveillée et éclipsée en douce. C'est un voisin, heureusement, qui la lui a ramenée. Une troisième a écrit qu'en voyage à New York, son enfant, âgé de 18 mois à peine, était sorti sans crier gare de l'appartement, au 42e étage. La mère l'a heureusement retrouvé sain et sauf... au 4e.

Éviter le pire

Combien sont-ils, ces jeunes qui disparaissent ainsi ? Le phénomène est difficile à évaluer. Au Service de police de la Ville de Montréal, on ne distingue pas les fugues des disparitions ou des enlèvements. L'an dernier, tous phénomènes confondus, on a répertorié 1775 « disparitions de mineurs » (0-17 ans).

Un jour ou l'autre, bien des parents perdent ainsi leur enfant, parfois quelques minutes seulement, que ce soit dans un restaurant, un supermarché, une fête ou un rassemblement public.

Il faut savoir que les jeunes enfants (moins de 4 ans) n'ont pas conscience du danger. Certains sont plus téméraires que d'autres, curieux, explorateurs. Un ballon, un papillon, et les voilà partis. « Leur lobe frontal est peu développé et ils n'ont pas conscience du danger », explique la psychologue Valérie Courchesne, spécialisée en santé mentale des enfants.

« Ils ne pensent pas aux conséquences. C'est au parent à inculquer les limites et à expliquer le danger. »

Tout cela demeure bien abstrait pour eux, d'où l'importance de fixer des limites claires (« tu me tiens toujours la main au supermarché »), et surtout de les répéter. Souvent. Il n'y a pas de secret : « Il faut toujours rester vigilant. » La psychologue conseille en prime de penser à récompenser les comportements positifs (« tu as tenu ma main au zoo, on va pouvoir y rester plus longtemps »), sans oublier d'inculquer l'importance de s'adresser à un « étranger » (une « maman », un « responsable » ou autre) en cas d'égarement. « Il y a pas mal plus de chances qu'un adulte essaie de les aider que de les enlever ! », fait-elle aussi valoir.

N'empêche qu'il demeure bien difficile, pour un parent, de ne pas culpabiliser quand son enfant se perd. Que ce soit une minute, deux ou dix. « C'est la partie la plus difficile. Mais ça peut arriver à n'importe qui. Et on ne peut pas non plus être hypervigilant. Ce ne serait pas nécessairement souhaitable. »

Pensez-y : si on craint toujours le pire, on risque aussi d'inculquer ses peurs à l'enfant. Morale ? « On reste le plus vigilant possible. En sachant qu'on ne peut pas être 100 % vigilant tout le temps. Le but, c'est que l'enfant apprenne à respecter les règles de sécurité », souligne-t-elle.

Conseils à retenir

LES SITUATIONS À RISQUE

Redoubez votre vigilance dans les lieux bondés (parcs d'attractions, fêtes), les grands espaces méconnus, les endroits avec plusieurs entrées et sorties et faites attention lorsque vous laissez votre enfant seul « un instant ».

PRÉCAUTIONS À PRENDRE

Une surveillance étroite ; toujours rappeler l'importance de rester proche ; énumérer les règles à respecter avant de se rendre à un lieu donné ; apprendre ses informations de base (son nom, le nom de maman, de papa) ; conserver une photo récente de l'enfant.

UN PLAN EN CAS D'ÉGAREMENT

Apprendre à l'enfant à crier votre nom s'il se perd ; à demander de l'aide à une maman ou une autre personne de confiance ; à s'asseoir, ne pas bouger et vous attendre ; avec les plus vieux, fixer un point de rencontre facile et visible ; vérifier les entrées, les sorties et les toilettes ; oser demander de l'aide ou prévenir la police.

UNE FOIS L'ENFANT TROUVÉ

Rassurer l'enfant ; résister à la tentation de le réprimander ; profiter plutôt de l'occasion pour rappeler les mesures de sécurité ; une fois la poussière retombée, penser à retourner sur la scène ensemble et chercher comment vous pourriez prévenir pour la prochaine fois.