On a reculé les horloges d'une seule heure, le week-end dernier. Pourtant, ce changement anodin a l'effet d'un grain de sable dans l'engrenage de bien des familles... et ce, pendant des jours.

«Je dis toujours que ça prend une grosse semaine pour que l'on retrouve notre rythme, constate Angelica Artuso, éducatrice et responsable d'une garderie en milieu familial. Les enfants sont vraiment plus fatigués.»

Même son de cloche auprès des parents que côtoie Solène Bourque, psychoéducatrice. «Je dirais que les deux tiers des parents vont avoir cette réflexion ces jours-ci: "Avec le changement d'heure, on va passer une semaine plus difficile!" C'est vrai qu'on peut voir une baisse de tolérance à la frustration, surtout chez les petits. Nous-mêmes, les adultes, on est en recherche d'énergie.»

Qu'est-ce qui explique qu'un simple changement d'une heure a des effets qui s'étirent sur plusieurs jours?

Nous avons gagné une heure, alors pourquoi plusieurs enfants sont-ils plus irritables?

«Si les enfants sont déjà en manque de sommeil, [les effets du changement d'heure] seront pires», explique d'abord la Dre Katéri Champagne, médecin spécialiste en pneumologie et diplômée en médecine du sommeil aux États-Unis. La directrice de l'Institut de médecine du sommeil précise que le retour à l'heure normale à l'automne entraîne surtout des problèmes d'endormissement, particulièrement chez ceux qui ont déjà du mal à se mettre au lit le soir venu.

Et parce que, le matin, la routine familiale doit suivre son cours, les journées démarreront du mauvais pied pour de nombreux enfants cette semaine, confirme Angelica Artuso. «Je trouve que le changement d'heure à l'automne a plus d'effets que celui du printemps! Les enfants sont déjà affectés par la noirceur, ils jouent moins à l'extérieur, ils ont le rhume... alors changer la routine qu'ils ont depuis sept mois, même si c'est juste une heure, ça peut vraiment être difficile pour eux. Ils ne se comprennent plus. Ça va durer quelques jours.»

Enfants du soleil

Le nombre réduit d'heures d'ensoleillement n'est d'ailleurs pas étranger aux bouleversements dans les habitudes de sommeil à l'automne. «Nous sommes des créatures dont le rythme suit le soleil. Nous avons dans chaque cellule de petites horloges qui suivent un cycle de près de 24 heures: le cycle circadien. Avec l'exposition à la lumière perçue par nos yeux [le matin] - même chez les aveugles, à moins qu'on ait enlevé le globe oculaire -, le cerveau déclenche le système pour démarrer notre journée: il monte la température du corps et il pousse les hormones pour nous activer.»

Ainsi, réveiller les enfants dans un environnement lumineux le matin leur permet de mieux démarrer la journée.

À l'opposé, le soir venu, si les écrans s'ajoutent aux effets du changement d'heure, les jeunes peuvent mettre un certain temps à s'endormir. Normal : la lumière agit comme un stimulant, et leur cerveau retarde la sécrétion de mélatonine, l'hormone du sommeil. L'endormissement vient alors beaucoup plus tard qu'on le souhaiterait. Rien pour s'adapter rapidement à un nouvel horaire.

Il existe des lampes de luminothérapie qui permettent de mieux démarrer la journée, mais la Dre Champagne souligne que pour donner un coup de pouce à l'horloge interne des enfants, les parents peuvent commencer par tamiser les lumières en soirée et opter pour un éclairage maximal à l'heure du déjeuner.

Remettre les pendules à l'heure

«Au printemps, on va diminuer les effets du changement d'heure en jouant un peu plus dehors, pour que les enfants dépensent de l'énergie et soient fatigués à la fin de la journée. À l'automne, on dirait qu'on a juste envie de mettre notre pyjama quand on rentre à la maison le soir. Par contre, on a tout avantage à faire une petite marche ou encore à mettre de la musique pour dépenser un peu d'énergie avant le souper», suggère Solène Bourque.

La psychoéducatrice rappelle du même souffle l'importance de la routine, et ce, même si les tout-petits se montrent plus grincheux.

«Ce qu'on faisait avant le changement d'heure, il faut continuer à le faire, quitte à faire cette routine en accéléré. Ça rassure les enfants.»

Enfin, lorsque l'on passera à l'heure avancée, au printemps, la psychoéducatrice et la Dre Katéri Champagne suggèrent toutes deux aux parents de jeunes enfants de changer l'heure du coucher très graduellement, 10 ou 15 minutes à la fois, pendant plusieurs jours. Et si, en prime, les enfants profitent d'un nombre optimal d'heures de sommeil avant le jour J, les conditions seront alors réunies pour un passage à l'heure d'été plus en douceur.

Le sommeil idéal en fonction de l'âge

Voici les recommandations de la National Sleep Foundation, aux États-Unis, relayées par l'Institut universitaire en santé mentale Douglas, à Montréal.

Nourrissons

Les nouveau-nés dorment généralement entre 14 et 17 heures par jour. Puis, entre 4 et 11 mois, ils parviennent à dormir de plus longues heures consécutives, pour atteindre, idéalement, entre 12 et 15 heures de sommeil quotidiennement.

Bébés

Lorsqu'ils atteignent l'âge de 1 an, les bébés ont souvent un rythme de sommeil plus stable. Entre 12 mois et 3 ans, ils dorment pour la plupart de 11 à 14 heures chaque jour, en comptant une ou deux siestes.

Tout-petits

Entre 3 et 5 ans, les enfants d'âge préscolaire ont parfois encore besoin d'une sieste l'après-midi. Au total, ils dorment normalement entre 10 et 13 heures par jour.

Enfants

Une fois à l'école, les enfants jusqu'à l'âge de 13 ans ont généralement besoin de 9 à 11 heures de sommeil par jour.

Adolescents

À l'adolescence, les habitudes de sommeil se corsent bien souvent. Bien qu'ils s'endorment plus tard, les jeunes de 14 à 17 ans ont toujours besoin de longues heures de sommeil: il leur faut généralement dormir entre 8 et 10 heures chaque nuit.

Adultes

Et nous? La majorité des adultes doit dormir de 7 à 9 heures chaque nuit. Les études tendent d'ailleurs à démontrer que les femmes ont un besoin de sommeil plus important que les hommes.

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