Ils utilisent les réseaux sociaux, le courriel, possèdent des tablettes et naviguent aisément sur le web. Par contre, ils ont fait le choix de vivre sans téléphone intelligent. Plus de liberté et moins de stress,  pour une meilleure qualité de vie, disent-ils. Témoignages.

Johanne Le Blanc: préserver sa liberté

«Je n'ai pas de cellulaire, je n'en ai jamais eu, explique Johanne Le Blanc. Je n'en ai jamais senti le besoin. Avec les enfants, je préférais avoir une ligne fixe à la maison qui soit utile pour tout le monde, plutôt que d'avoir un téléphone intelligent qui n'aurait été bon que pour moi.» Elle utilise les réseaux sociaux à partir de l'ordinateur de la maison, les gens de son cercle rapproché l'appellent chez elle, sans compter le répondeur et Facebook. Elle s'accorde la liberté de prendre les messages au moment qui lui convient.

«Ne pas avoir de téléphone cellulaire, en plus [de permettre] d'être plus présente dans le moment, c'est aussi une forme de liberté. Je vois les autres qui sont accrochés à leur cellulaire et qui ont ce besoin, dès qu'une cloche sonne, de regarder ce qui se passe, une fois la curiosité piquée... Ça ne m'intéresse pas.»

Maxim Bruneau: parler aux gens, pour vrai

«Mon père en avait un et il se faisait toujours déranger avec ça, se souvient Maxim. Quand j'étais plus jeune, c'est quelque chose qui m'a marqué. Aujourd'hui, étant propriétaire d'entreprise, j'imagine mal à quel point ça deviendrait un fardeau que d'en avoir un. C'est quelque chose qui me dérangerait plus qu'autre chose.» L'entrepreneur qui tient une boutique de vélos n'a pas l'impression qu'il est plus difficile à joindre pour autant. «Avec les messages textes et Facebook, on perd trop de temps. Je ne trouve pas que c'est un moyen de communication rapide. Je préfère qu'on s'appelle. C'est plus efficace et je peux sentir le ton de la voix de la personne. C'est plus humain.»

Mais que faire sans téléphone intelligent lorsque l'on doit attendre et patienter? «Je regarde autour de moi, je parle aux gens, s'il y a un livre dans une salle d'attente, je lis. J'aime le contact avec les gens.»

PHOTO SIMON GIROUX, LA PRESSE

Maxim Bruneau ne croit pas qu'il soit plus difficile à joindre parce qu'il n'a pas de téléphone portable.

Pascal Chenot: être totalement là

Il a déjà possédé un cellulaire, mais il s'en est défait après un peu plus d'un an, tanné de vivre avec l'urgence de répondre quand les gens communiquaient avec lui. Aujourd'hui, il utilise le vieux téléphone intelligent de sa copine, sans carte SIM, uniquement pour avoir accès à du WiFi lorsqu'il se déplace. «Pourquoi je suis obligé de répondre si je suis occupé? Pourquoi prendre du temps pour échanger avec ceux qui ne sont pas là et qui me parlent par message texte, alors que je suis avec des gens devant moi? Je n'ai pas besoin d'être accessible à ce point-là.» Il ne prévoit pas se doter d'un appareil portable à moyen ou long terme. «Je suis bien heureux sans cellulaire. Je vois tout ceux qui textent et qui attendent les réponses instantanées. On dirait que ça devient stressant pour eux d'être accessibles tout le temps. Quand je suis avec quelqu'un, je suis là à 100 %. Je ne me sens pas obligé de regarder mon téléphone ou de régler des problèmes ailleurs.»

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Pascal Chenot a déjà possédé un téléphone portable, mais au bout d'un an, il a choisi de s'en départir.

Thierry Muraton: le bon vieux flip

Il vient de s'acheter un nouveau téléphone. Un téléphone à rabat, comme le précédent qui a été brisé par une vilaine pluie. Il ne voit pas l'utilité d'un téléphone intelligent. «Je ne suis pas technologie du tout. Oui effectivement, c'est vraiment le fun, les gens qui en ont un ont accès à tout, mais je trouve que c'est une dépendance. On dirait que t'es tout le temps accroché à ça. Peut-être que je ne suis pas assez pressé, mais j'arrive toujours à me démerder et à trouver mes renseignements sans téléphone.»

En entrevue, Thierry Muraton souligne un paradoxe de notre époque connectée. «On est dans le monde des communications et au lieu d'appeler, on envoie des messages. Pourquoi envoyer un message si on peut appeler? La peur de déranger? La personne n'a qu'à nous le dire si on dérange. Trois ou dix messages pour remplacer un appel, je trouve qu'il y a du temps de perdu.»

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Thierry Muraton a un téléphone portable à rabat, mais il refuse de faire le saut vers le téléphone intelligent.

Marc Paradis: le savoir-vivre

«J'ai eu un BlackBerry fourni par le travail, qui se déchargeait dans mes poches. Je ne l'utilisais jamais», raconte Marc Paradis, qui n'a jamais senti l'intérêt d'adhérer à ces nouvelles technologies. Il le remarque autour de lui: les gens ont les yeux rivés sur leur appareil. «Par moments, ça démontre même un manque de savoir-vivre. Comme si c'est plus important, ce qui se dit ailleurs, que ce qui se dit ici, dans la vraie vie. Et puis, qu'est-ce qu'il y a de si important à devoir être connecté tout le temps?» Ses adolescents n'ont pas de téléphone non plus. Tout comme pour leur père, ce n'est pas un besoin pour eux. «On réussit à communiquer ensemble quand même! Et puis, je crois qu'il vaut mieux de connecter vers les gens, plutôt que vers la machine et le virtuel. Ça ne se parle plus aujourd'hui. C'est quasiment épeurant de voir que ça devient une priorité chez les gens, de rester connecté.»

PHOTO JEAN MARIE VILLENEUVE, LE SOLEIL

Marc Paradis n'a jamais senti l'intérêt d'adhérer à aux nouvelles technologies, comme le téléphone port.

Isabel Forget: le sevrage, puis la découverte

En janvier dernier, Isabel Forget a brisé son téléphone. Elle a attendu un mois avant de le remplacer. «Tu perds ton téléphone, tu as l'impression que ta vie vient de tomber à l'eau. Les premiers jours, c'était vraiment bizarre. Finalement, je suis devenue plus efficace, parce qu'au lieu de répondre aux notifications un peu n'importe quand, je prenais un moment précis pour le faire. Ce mois-là, c'est particulier, c'est comme si j'avais réappris à ralentir.» Pas de sonnerie ou d'alarme ou de textos pour la déranger, elle a recommencé à lire, à prendre des marches, à profiter de ses soirées.

De cette expérience d'un mois sans téléphone cellulaire, elle a retenu qu'il est important de s'accorder des moments déconnectés, mais sans gêne, elle admet que les vieilles habitudes reviennent rapidement. «Il faut se donner le temps de prendre du recul et relaxer pour vrai. Avec le téléphone, on ne le fait jamais vraiment complètement.»

Le cellulaire en chiffres

- 85,6 % des ménages canadiens ont au moins un téléphone mobile et 75,5 % ont une ligne fixe.

Source: CRTC, 2016

- Aux États-Unis, 96 % des adultes âgés de 18 à 29 ans habitent une maison où il y a au moins un téléphone intelligent. Dans le même groupe d'âge, 51 % affirment que la maison en contient trois ou plus. 

Source: Pew Research Center

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Après avoir perdu son téléphone portable, Isabel Forget a vécu un mois sans cellulaire, une période qui lui a appris «à ralentir».