Mourir entouré des siens, dans sa maison. C'est un souhait partagé par de plus en plus de Québécois. Mais comment s'y prendre? Quand la santé le permet, des ressources existent pour recevoir des soins palliatifs à domicile et vivre ainsi une mort plus intime.

Des ressources essentielleset insuffisantes

Mourir chez soi. Entouré de sa famille et de ses amis. Loin des couloirs d'hôpital et de la traditionnelle jaquette bleue. Vivre une mort intime.

Dès le moment où la mort est prévisible, à moins d'une condition médicale particulière, d'une hospitalisation complexe en soins de longue durée ou en raison de l'absence de soutien familial, c'est chez eux que les gens veulent rendre leur dernier souffle. De plus en plus.

L'an dernier, ce sont près de 22 000 personnes qui ont bénéficié de soins palliatifs à domicile au Québec. Ce nombre a augmenté d'environ 14 % depuis cinq ans. Une progression due évidemment au vieillissement de la population, mais aussi à l'augmentation des morts liées aux cancers, maladies cardiovasculaires et pulmonaires.

La comédienne Pascale Bussières a perdu son père il y a cinq ans. Les trois derniers mois de sa vie, Jean-Jacques Bussières a pu les passer à la maison. «On n'est jamais assez, c'est incroyable ce que ça demande, s'occuper de quelqu'un de malade, se rappelle la comédienne. Il faut toute une équipe de parents et de professionnels pour y arriver.»

«Il y a un rapprochement, on se dit des choses incroyables dans ces moments-là. Il n'y a plus de filtres, on est entre nous. Ce n'est pas la même chose dans un hôpital. Je pense que cette communication est tellement essentielle pour le deuil. Quand il est mort, j'étais couché dans un lit voisin avec ma mère.»

La comédienne avoue que c'est un moment qui peut être étrange, mais en même temps, dit-elle, «[elle] remercie la vie de [lui] avoir permis de vivre ça de cette manière». «Parce que ça permet de faire tomber la peur qu'on a de la mort. C'est une chose toute simple quand ça arrive. Je pense que c'est important de vivre ce moment-là avec courage.»

Pascale Bussières a eu recours aux services du CLSC du quartier de ses parents, mais elle les juge insuffisants. «Il y avait des visites d'infirmières et d'auxiliaires aux deux jours, il y a eu aussi un médecin qui est venu à quelques reprises. Le système le permet, mais ce n'est pas suffisant.»

Une offre incomplète

C'est justement pour compléter l'offre de services des CLSC que Caroline Bouchard a mis sur pied la fondation Jacques-Bouchard, du nom de son défunt mari, mort d'un cancer en 2006. «On offre un répit aux familles, surtout la nuit, a-t-elle expliqué à La Presse. Les CLSC font un travail formidable, mais ce n'est pas assez.»

Les soins palliatifs à domicile ne concernent pas seulement les personnes âgées, insiste Caroline Bouchard. «On aide beaucoup de jeunes adultes qui ont 42 ans ou 45 ans. Des gens qui ont des enfants de 6 ou 7 ans. La semaine dernière, j'ai rencontré un homme de 56 ans. Ce n'est pas très vieux, selon moi...»

Depuis ses débuts, la fondation Jacques-Bouchard a aidé près de 3500 personnes. Une aide qui provient des campagnes de financement, qui rapportent environ 250 000 $ par année.

«Ce qui nous permet de survivre, c'est que nous avons un bureau gratuit dans un CHSLD et qu'on ne verse aucun salaire. Donc, tout ce qu'on amasse, on le redonne.»

Caroline Bouchard constate elle aussi une augmentation de la demande d'aide depuis 10 ans. «On a commencé par aider une centaine de personnes. Mais chaque année, ça a augmenté. Récemment, on s'est dit qu'on ferait une campagne plus importante. On veut aider encore plus de patients.»

Pascale Bussières est l'une des porte-parole de la Fondation. Avec Denys Arcand, Robert Charlebois, Sophie Lorrain, Pierre Bruneau, Alexandre Bilodeau, Armand Vaillancourt et Louise Deschâtelets, elle participe à une campagne où on la voit les yeux fermés, coiffée du titre: «Accompagnez-nous... jusqu'au bout». «Le but est aussi de sensibiliser les gens à l'existence des soins palliatifs à domicile», nous dit-elle.

Une priorité au ministère

Le ministère de la Santé et des Services sociaux estime que «l'implication d'un médecin de famille associé à une équipe demeure un enjeu crucial dans le maintien des personnes en soins palliatifs et en fin de vie». Selon des documents du Ministère, le soutien à domicile est l'une des «priorités» du réseau de la santé et vise également les personnes en «milieu de vie».

Dans son plan de développement 2015-2020 sur les soins palliatifs et de fin de vie (SPFV), le ministère de la Santé et des Services sociaux reconnaît la «progression constante» du nombre de personnes nécessitant des soins palliatifs en même temps que «le développement insuffisant du volet soins à domicile», qui représente selon lui la «pierre angulaire» de la nouvelle loi. Le nombre de nouvelles embauches n'est toutefois nulle part précisé.

Le Ministère s'est toutefois fixé l'objectif d'augmenter de 15 % le nombre de personnes bénéficiant de soins palliatifs à domicile d'ici 2020. Une aide de 4,5 millions de dollars destinée au soutien des proches aidants des personnes en soins palliatifs et en fin de vie à domicile a également été annoncée au mois de novembre 2015 par le ministre Gaétan Barrette.

Pour avoir de l'aide

Pas facile de s'y retrouver lorsqu'un proche a besoin de soins palliatifs à domicile. La directrice adjointe, soutien à domicile du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal, Annie Foy, a pris la peine de détailler les étapes nécessaires pour en recevoir.

Admissibilité

Il faut passer par le Guichet d'accès pour le soutien à domicile du CIUSSS de votre quartier (qui regroupe les CLSC). C'est eux qui décideront si vous êtes admissibles aux soins à domicile. Si la personne malade est hospitalisée, c'est l'établissement de santé qui formule la demande directement.

Évaluation

Une infirmière fait une première évaluation téléphonique avec le patient ou le proche du patient afin de connaître ses besoins. Le patient doit démontrer qu'il «n'est plus en mesure de recevoir de soins en se déplaçant à l'extérieur de son domicile». Soins d'hygiène, soins médicaux, traitements, tout est évalué.

Visite à la maison

Si la demande est acceptée, le dossier est confié à une infirmière qui est nommée responsable de la coordination des soins: c'est l'«infirmière pivot». Elle fera une première visite en personne auprès du patient. L'infirmière complétera aussi l'évaluation et prendra contact avec le médecin de famille du patient.

Plan d'intervention

Un plan d'intervention est mis en place. Selon Annie Foy, le CIUSSS Centre-Sud réagit très vite: tout au plus 24 heures après la demande initiale. Il s'agit à cette étape de planifier les soins qui seront offerts à domicile. Auxiliaire, infirmière, travailleur social, ergothérapeute, médecin. C'est toujours du cas par cas.

Offre de base

L'offre de base des soins à domicile est de 21 heures par semaine. Au-delà de ce seuil, le chef de programme du CIUSSS doit approuver les heures additionnelles, nous explique Mme Foy. «Il faut que les demandes soient justifiées, nous dit Mme Foy, mais ça arrive qu'on dépasse les 21 heures initiales.»

Aide des fondations

Pour assurer les soins à domicile au-delà de ces 21 heures par semaine, les CIUSSS travaillent notamment avec la fondation Jacques-Bouchard et l'OSBL Nova Montréal, en particulier pour les «répits de nuit». C'est l'infirmière pivot qui va ajuster les soins en fonction de l'évolution de la condition du patient.

Photomontage La Presse