Le Musée des beaux-arts de Montréal et l'organisme ÉquiLibre présentent depuis hier une quarantaine d'oeuvres collectives réalisées par des élèves du secondaire sur le thème de la diversité corporelle. Une expo éducative sans filtre et sans Photoshop.

Maribelle Desormeaux et Madeleine Harnois ont 15 et 16 ans. Les deux jeunes filles qui fréquentent l'école secondaire Mont-de-La Salle à Laval ont commencé à travailler sur le projet Modèles recherchés l'automne dernier. Avec leur groupe, elles ont choisi de faire un portrait de l'actrice et humoriste australienne Rebel Wilson.

« C'est une femme qu'on aime beaucoup, mais qui ne correspond pas aux modèles classiques de beauté, nous dit Madeleine. Disons qu'elle n'est pas ultra mince comme la plupart des actrices. Mais c'est quoi, l'idéal de beauté ? C'est n'importe quoi ! Elle est drôle, elle a du talent et elle s'est bâti une carrière en étant elle-même, c'est ce qu'on voulait montrer. »

À partir de matériaux recyclés, des vinyles, des crayons, des bouts de tissu, elles ont fait un collage qui représente assez bien l'actrice de 36 ans. « On a utilisé toutes sortes de tissus pour faire sa robe, précisent les jeunes filles, toutes deux passionnées d'arts plastiques. C'était une façon d'illustrer toute la liberté qu'elle a d'être comme elle veut. »

Cette oeuvre insolite fait partie de l'expo Modèles recherchés que l'on peut voir tout l'été au Musée des beaux-arts de Montréal. Oprah Winfrey et Queen Latifah sont elles aussi représentées. Idem pour le rockeur Éric Lapointe que l'on voit dans son éternel blouson de cuir (pour sa petite taille ?). Ariane Moffatt a elle aussi droit à un portrait.

D'autres oeuvres plus abstraites font partie de cette nouvelle expo éducative du MBAM, qui a déjà abordé dans le passé les thèmes des troubles alimentaires et de l'intimidation. « L'art est un espace de dialogue qui nous permet d'aborder des enjeux humains », nous dit le directeur de l'éducation et de l'action culturelle au musée, Jean-Luc Murray, qui trouvait le thème de la diversité corporelle d'actualité.

Pas de modèle unique

« On voulait que les jeunes s'interrogent sur les modèles de beauté véhiculés dans les médias et dans la société, nous a résumé Mélanie Deveault, qui a conçu l'expo Modèles recherchés avec Mathieu Thuot-Dubé et les professeurs de six écoles secondaires. La première étape a consisté à présenter aux jeunes des toiles et des sculptures de la collection permanente du musée.

« On leur a montré une petite sculpture de l'Antiquité, Figure féminine stéatopyge datée de 1200 ans av J.-C., a raconté Mélanie Deveault. L'idée étant de leur faire prendre conscience qu'à travers le temps et les cultures, les critères de beauté ont changé. » On pense bien sûr aux formes arrondies des femmes, à leur chevelure et même à la mise en valeur de leurs... chevilles.

Maribelle Desormeaux et Madeleine Harnois ont beau trouver que la plupart des jeunes de leur âge acceptent d'office le principe de la diversité corporelle, elles ressentent quand même une certaine pression sociale pour être belles et minces, pour se maquiller aussi. Une pression qui leur vient d'ailleurs beaucoup plus des filles que des garçons.

« Je connais une fille qui passait deux heures tous les matins à se coiffer, illustre Maribelle. Perso, ça me dépasse. Surtout pour aller à l'école... Mais cette pression, les garçons aussi la vivent entre eux avec des stéréotypes similaires : être forts, musclés... C'est ce qu'on a aimé avec ce projet : de dire aux gens que c'est pas obligé d'être comme ça. »

Un projet lancé par équilibre

ÉquiLibre, dont la mission est à la fois de faire la promotion de la diversité corporelle et des saines habitudes de vie, est à l'origine du projet. Sa directrice générale Roxanne Léonard a contacté la conservatrice du MBAM Nathalie Bondil en 2011, à la suite de l'expo consacrée à Jean Paul Gaultier, lui-même reconnu pour son ouverture à la diversité corporelle.

Dans une enquête menée en 2012 par l'Institut de la statistique du Québec, 51 % des jeunes adolescents interrogés se disaient insatisfaits de leur apparence.

« C'est une donnée inquiétante, estime Andrée-Ann Dufour-Bouchard, nutritionniste et chef de projet chez ÉquiLibre. L'importance que les jeunes accordent à leur physique est excessive. » 

Photo Marco Campanozzi, La Presse

La sculpture Figure féminine stéatopyge, datée de 1200 ans avant Jésus-Christ.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Mélanie Deveault a conçu l’exposition Modèles recherchés avec Mathieu Thuot-Dubé et les professeurs de six écoles secondaires.

Plus facile à dire qu'à faire... Est-ce qu'en montrant des toiles de femmes voluptueuses, on n'envoie pas un message négatif à savoir que ce n'est pas grave d'être en surpoids ?

« Accepter qu'il y ait une variété de corps ne veut pas dire qu'on encourage les gens à se laisser aller ! On ne fait pas la promotion du statu quo, nous dit Mme Dufour-Bouchard. Notre objectif est d'inculquer de saines habitudes de vie et de valoriser l'activité physique. Il faut trouver un équilibre. Mais les jeunes doivent accepter leurs différences. Ce n'est pas vrai qu'il y a un modèle unique de beauté. »

Parcours sur la diversité

Parallèlement à l'expo Modèles recherchés, le Musée a décidé de présenter un parcours guidé sur la diversité corporelle. Les guides ont choisi huit oeuvres provenant d'au moins trois collections permanentes du musée, qui nous renseignent sur le thème de cette diversité à travers les époques.

Outre la sculpture, Figure féminine stéatopyge, vous serez sans doute dirigés vers le Portrait d'une femme en Astrée de Nicolas de Largilierre (1710), d'Apelle peignant le portrait de Compaspe de Giovanni Tiepolo (1726) ou de la plus récente sculpture de Valérie Blass She Was a Big Success (2009), qui représente le bas du corps d'une femme, surmonté d'une énorme coiffure.

« L'idée est de montrer aux gens toute l'étendue des codes de la beauté, conclut Mélanie Deneault. Une façon de changer un peu le regard qu'on porte sur soi et sur les autres. »

Modèles recherchés jusqu'au 21 août au Musée des beaux-arts de Montréal

Parcours guidé sur la diversité culturelle, du 1er juin au 17 août au Musée des beaux-arts de Montréal