Vous êtes étudiant et vous n'avez pas trouvé votre voie ? Vous sentez que vous avez besoin de sortir des sentiers battus et de développer votre autonomie ? Attendez avant de poursuivre vos études et partez voir du pays, ou encore, impliquez-vous dans votre communauté.

C'est essentiellement le message qu'envoie l'Américain Jeffrey Selingo dans un tout nouveau livre qui fait beaucoup parler de l'autre côté de la frontière. Dans There is a Life After College, le journaliste souhaite guider les jeunes (et leurs parents) dans le parcours qui les mènera sur le marché de l'emploi. Il consacre notamment tout un chapitre à l'importance pour certains étudiants de prendre une période sabbatique, ou un gap year, en anglais.

« Évidemment, une année de pause peut coûter cher, mais dans certains cas, il s'agit d'un investissement pour l'avenir si ces jeunes sont plus convaincus de ce qu'ils veulent faire une fois de retour sur les bancs d'école », assure l'auteur. Il ajoute cependant que cette année sabbatique doit être planifiée, et que rarement « une année à dormir dans sa chambre et à travailler chez McDonald's » porte ses fruits.

« Cette année doit être consacrée à travailler dans un secteur pertinent, à améliorer ses compétences académiques pour la suite, ou à voyager pour élargir ses horizons », précise-t-il, ajoutant au passage qu'aux États-Unis, les jeunes qui prennent une année de pause sont statistiquement plus investis dans leurs études par la suite. Tant et si bien que l'Université Harvard encourage maintenant ses étudiants à en faire l'expérience.

Au Canada, d'après Statistique Canada, environ un étudiant sur trois retarde d'un an ses études postsecondaires, pour amasser suffisamment d'argent pour payer ses études, ou encore pour prendre le temps de trouver sa voie.

C'est au Québec que l'on retrouve le moins d'étudiants optant pour une sabbatique. Environ 15 % des jeunes prennent une pause après l'école secondaire. C'est principalement le système d'éducation distinct qui change la donne, souligne Statistique Canada. Les études postsecondaires demeurent moins dispendieuses qu'en moyenne ailleurs au pays, et le passage au cégep permet aux jeunes d'ici de poursuivre leur réflexion.

Malgré tout, parfois, l'année sabbatique s'impose. « Nous n'avons pas de chiffres exacts, mais mon équipe de conseillers a remarqué une augmentation dans le nombre d'étudiants qui s'interrogent au sujet d'une année de pause au cours des dernières années », affirme Darlene Hnatchuk, directrice du service de planification de carrière à l'Université McGill.

L'établissement permet aux étudiants admis dans un de ses programmes de prendre une année de congé avant même d'avoir entrepris leurs études. Plusieurs vont toutefois opter pour l'année sabbatique après un baccalauréat, trop incertains de ce qu'ils ont vraiment envie de faire par la suite. « Ça peut être une bonne idée, car ça peut être l'occasion de mieux cibler leurs intérêts, s'ils ont des doutes, et de vivre des expériences à l'extérieur de ce qu'ils connaissent. C'est très formateur », ajoute Mme Hnatchuk. Puisque cette décision entraîne inévitablement des coûts, l'équipe de conseillers de McGill aide ses étudiants à planifier leur congé.

Une année «déterminante»

« C'est l'année de ma vie ! », s'exclame Julie Plaisance, 33 ans. Après le cégep, au tournant des années 2000, elle s'est envolée pour un long voyage en Australie et en Nouvelle-Zélande. Avec une amie, elle a alors appris à voler de ses propres ailes en gagnant sa vie là-bas.

Elle ne se le cache pas : à l'époque, elle partait surtout à l'aventure, et pour avoir du plaisir. La « découverte de soi » n'était pas sa principale motivation. N'empêche, elle rencontre en voyage plusieurs personnes dont les habitudes de vie tranchent avec ce qu'elle connaît. Et elle en sort grandie.

Ses parents l'ont soutenue dans son aventure en lui offrant le billet d'avion. Organisée, elle les a aisément convaincus des bénéfices de ce long séjour à l'étranger.

Pendant son séjour, elle a constaté que le travail manuel auquel elle était habituée avant son départ lui manquait. Cette réflexion l'a aidée à trancher pour des études en architecture à son retour.

Au fil des années, elle a changé de voie, mais elle est persuadée qu'elle a tiré de ce long voyage une ouverture d'esprit qui l'accompagne chaque fois dans ses nouveaux projets. « Est-ce que je peux tout mettre ça sur le compte de mon voyage en Australie ? Je ne sais pas, mais ça a certainement changé ma vie. Ça dépend du voyage que tu fais, mais quand tu te lances dans le vide... c'est sûr que tu reviens plus mature. »