Le 8 décembre dernier, plus de 150 enfants ont chanté dans une prestigieuse salle de l'Université McGill, à Montréal. Le point culminant d'un projet « un peu fou » lancé par un immigrant britannique. À peine arrivé au Québec, Andy Gray a décidé d'offrir un instrument gratuit à des enfants montréalais qui, souvent, n'y auraient pas accès autrement.

Pendant trois mois, 150 enfants de 8 écoles primaires en milieu défavorisé ont reçu un enseignement choral gratuit, prodigué par des chefs de choeur engagés. Un pari ambitieux financé par plus de 40 000 $ de dons dénichés par Andy Gray et son équipe de Sing Montréal Chante. Résultat : un vrai de vrai choeur composé d'enfants débordants d'énergie qui sont accueillis... tels qu'ils sont.

Des outils pour la vie

Au-delà de la fierté de donner un spectacle, qu'ont tiré les jeunes chanteurs de leur expérience ? Tout un lot d'outils qui leur serviront au cours de leur vie, croit Monique Désy Proulx, diplômée en pédagogie musicale et auteure du livre Pourquoi la musique publié aux Éditions du CHU Sainte-Justine. Nous avons abordé la question avec elle. 

Le chant a-t-il les mêmes bienfaits chez les enfants qu'un instrument ?

On a chanté sur la Terre des milliers d'années avant que le piano et le violon aient été inventés. La musique déborde largement le fait d'apprendre un instrument. Car vous savez, quand on joue d'un instrument, il faut le faire chanter !

Le chant, il faut l'avoir en soi pour le transmettre à l'instrument. La meilleure école de musique qui existe, c'est le chant. C'est tellement puissant ! Je trouve qu'on ne s'en sert pas assez au Québec pour éveiller les enfants, leur faire aimer l'école, éveiller leur intelligence. Par la voix humaine, on peut retenir tellement de choses. Il y a des gens qui retiennent le Coran entier parce qu'ils le chantent.

Justement, vous parlez notamment dans votre livre des avantages de la musique dans le parcours académique des enfants...

Les enfants n'ont souvent pas le droit de bouger, aujourd'hui. Quand ils chantent, ça leur permet de bouger. Et ils devraient danser, aussi. Ça leur donne accès à tout un monde affectif. Et pourtant, c'est à peine s'ils connaissent Au clair de la lune, aujourd'hui. Ils ne chantent pas, nos enfants ! Personnellement, je préconiserais qu'il y ait des choeurs d'enfants partout, dans toutes les écoles. Je les ferais chanter pour apprendre plein de choses. Il n'est pas nécessaire d'avoir une maîtrise en direction chorale pour leur permettre de chanter. (...) Beaucoup d'études l'ont prouvé : les enfants qui font de la musique réussissent mieux à l'école. Notamment parce que le fait de comprendre la musique, de la décortiquer, développe l'attention auditive.  

Quand les enfants font de la musique, ils décrochent tellement moins ! Je cite des études sérieuses à ce sujet dans mon livre. Car le chant fait travailler la mémoire, aussi. Quand les gens sont âgés, ce sont souvent les chants qu'ils ont aimés quand ils étaient jeunes qui leur restent. C'est par la musique qu'ils reprennent contact avec ce qu'ils ont aimé dans la vie. C'est un territoire inattaquable, les chansons qu'on apprend quand on était petits ! Même chez les personnes très âgées, qui ont des problèmes de mémoire, ces chansons restent.

Y a-t-il des avantages encore plus grands à introduire le chant chez les enfants issus des milieux plus populaires ?

La musique, ça ne coûte rien ! J'entends parfois des phrases comme « on ne peut pas faire l'enseignement de la musique, on n'a pas d'argent ». Ça ne coûte rien, faire de la musique. Même pas un crayon et du papier ! Chanter, ça ne coûte absolument rien, et c'est l'accès à la musique. Et la musique, c'est une expérience humaine unique. Pourquoi ? Parce que ça nous permet de vivre ce qu'on a à vivre sans nécessairement passer par les mots. Pensons-y bien : c'est un cadeau, ça.