Sous la perruque de sa parodie de Hillary Clinton dans Saturday Night Live, dans les tailleurs de Leslie Knope de Parks and Recreation ou encore en robe de soirée à la barre des Golden Globes, la comédienne américaine Amy Poehler collectionne les rôles qui font triompher son humour au féminisme impénitent. Et surtout, plusieurs d'entre nous aiment s'identifier à ses personnages de femmes drôles, intelligentes et un peu fêlées.

À 43 ans, Poehler demeure l'une des comédiennes les plus sollicitées à Hollywood et l'une des «diplômées» de SNL - avec Maya Rudolph, Tina Fey, Kristen Wiig et Molly Shannon - à avoir réussi son passage à Hollywood.

Dans le sillon de sa complice Tina Fey (qui a publié Bossy Pants en 2011), de Not That Kind of Girl de Lena Dunham et d'une vague de récits personnels made in Hollywood, Poehler se raconte sans fausse modestie ni pudeur dans Yes Please. Un premier effort littéraire très imparfait, complètement bordélique et totalement irrésistible.

Le sens de la formule 

Dès les premières lignes de cet essai plutôt monologue qu'autobiographie, Amy prévient ses lecteurs qu'elle a trouvé pénible l'écriture de Yes Please, comme pour s'excuser de débarquer ainsi avec ses gros sabots d'actrice connue sur la tablette vedette de la librairie. Avec deux jeunes enfants, une série télé où elle tient le rôle principal, les Golden Globes à animer et une montagne de projets, Poehler est l'une des quadragénaires les plus débordées de Hollywood.

Son histoire à la facture éclatée est parsemée de nombreuses blagues, dans laquelle se retrouveront plus d'une quadragénaire qui jonglent avec enfants, carrière, ex-mari et autres réalités contemporaines.

Poehler, dotée du sens de la formule, a construit son ouvrage comme une sorte de scrapbook où sont réunis en vrac des souvenirs de son enfance très «classe moyenne» à Burlington, au Massachusetts, son divorce douloureux mais civilisé d'avec le comédien Will Arnett, ses réflexions sur des questions hollywoodiennes comme la chirurgie esthétique et l'obsession féminine pour l'apparence, et son expérience de la maternité.

Tendresse, humour et réalisme

Au bout d'une cinquantaine de pages, on finit par s'habituer et même par s'attacher au ton désordonné et légèrement maniaque de Yes Please. On a l'impression d'entendre une amie débordée par la vie, encore debout malgré les revers amoureux, qui n'en revient toujours pas d'avoir dans son carnet d'adresses les numéros de Spike Jones, de Louis CK et de Rob Lowe. Pas du tout portée sur l'apitoiement, Amy Poehler expose sans sentimentalité les faits marquants et fondateurs de son parcours, avec une franchise empreinte de maturité quadragénaire.

Croisement entre un ouvrage de croissance personnelle, un récit humoristique, les confidences d'une mère indigne et un essai sur l'art de survivre à l'adolescence dans les années 80 de MTV, Yes Please recèle quelques perles qui motivent la lectrice à sortir le marqueur fluo.

Son slogan préféré, pour échapper aux sempiternelles comparaisons entre femmes (et mères): «Tant mieux pour elle, mais pas pour moi.»

Avec beaucoup de tendresse, elle raconte comment, les soirs de pleine lune, elle et ses garçons sortent en pyjama pour admirer le spectacle. Elle consacre aussi tout un chapitre à déboulonner le mythe de la gloire instantanée, raconte ses expériences avec les drogues (révélant qu'elle a tout essayé, sauf le crystal meth et l'héroïne), parle des nombreux amants qui ont partagé son lit, prétend qu'il faut traiter sa carrière comme «un amant mal élevé» mais considérer sa créativité comme «une chaleureuse dame hispanique d'âge mûr».

Finalement, cette fenêtre sur l'existence exceptionnelle d'une femme célèbre aux préoccupations très actuelles, voire ordinaires, donne le goût de dire «yes, please!» au pouvoir de la quarantaine. Les femmes peuvent tout avoir, le meilleur comme le pire. Amy Poehler en est la preuve vivante.

Yes Please

Amy Poehler

HarperCollins Publishers Ltd

288 pages