Des sages-femmes françaises dénoncent le «point du mari». Après l'accouchement, lorsqu'il y a eu déchirure du périnée ou épisiotomie, cette pratique consisterait à faire un point de suture supplémentaire pour resserrer l'entrée du vagin afin d'augmenter le plaisir du mari pendant qu'il fait l'amour. Alors, le point du mari, mythe ou réalité?

Mise en situation

La controverse a été lancée la semaine dernière sur le blogue de la féministe Isabelle Alonso, où la sage-femme Agnès Ledig a qualifié «le point du mari» de «violence médicale et de mutilation sexuelle». Selon les témoignages de femmes, le point du mari provoquerait de vives douleurs lors des relations sexuelles. Une autre sage-femme, Caroline Reiniche, a déclaré avoir entendu de la bouche d'un gynécologue: «C'est son mari qui va être content, un vrai vagin de jeune fille.» Ce jour-là, elle dit avoir vu ce médecin réaliser une série de points serrés en l'absence du consentement de la femme qui venait d'accoucher. Trop jeune dans la profession, elle n'a pas protesté, mais elle en a discuté avec des collègues, qui lui ont confié que ce médecin procédait toujours de cette façon.

L'épreuve des faits

Le syndicat des gynécologues français rejette l'idée de cette pratique. Il dénonce «des histoires que l'on raconte et qui font monter des fantasmes dans l'esprit des gens», a déclaré au magazine L'Express le Dr Jean Marty, président du syndicat des gynécologues-obstétriciens français.

Au Québec, le Dr Robert Gagnon, gynécologue-obstétricien et directeur de l'obstétrique au Centre universitaire de santé McGill, n'a jamais entendu parler de ce «point du mari». Après 35 ans de pratique au Québec et en Ontario, il se dit très surpris: «Est-ce du folklore français? Je ne sais pas, mais je n'ai jamais vu ça ici ou en Ontario. Lorsque des patientes ont une épisiotomie [le taux est de 11% à l'hôpital Royal Victoria], on fait toujours de notre mieux pour qu'elles retrouvent leur anatomie d'avant l'accouchement, et c'est fait avec soin », assure-t-il.

La Dre Marie-Claude Lemieux partage son avis. Chef du département d'obstétrique-gynécologie à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, elle estime que cette pratique, si elle existe, est complètement insensée.

«On prodigue des soins pour les femmes, on ne veut pas promouvoir le bonheur du conjoint, c'est la patiente qui compte, point.» La Dre Lemieux dit avoir sondé les 13 gynécologues qui font partie de son département, et aucun n'avait entendu parler du «point du mari».

«Il y a des femmes qui nous parlent d'un certain élargissement du vagin. Après avoir eu des enfants, elles nous confient avoir une sensation différente lors des relations sexuelles. On peut l'expliquer par le trauma nerveux. Il y a des terminaisons nerveuses dans la paroi vaginale, et lorsque ça s'est étiré pendant l'accouchement, ça peut prendre un certain temps avant de récupérer complètement.» La Dre Lemieux a déjà eu quelques rares patientes qui évoquaient un relâchement au niveau du vagin:  Ça peut être causé par une épisiotomie qui guérit mal ou une déchirure du périnée qui ne s'est pas bien réparée. On peut faire alors une périnéoplastie pour redonner une normalité à l'anatomie qui a été altérée par un accouchement», précise-t-elle.

La Dre Lemieux profite de l'occasion pour mettre en garde les femmes contre la vaginoplastie, une opération qui, selon elle, ne devrait pas exister. En anglais, on dit «vaginal rejuvenation». «Cette chirurgie au laser a pour but de traiter la peau vaginale pour en augmenter le tonus. Comme pour toutes les chirurgies plastiques, on vend l'idée que ça va rajeunir la femme et que ça va redonner du muscle au vagin. C'est totalement faux», assure la Dre Lemieux.

Pour sa part, le Dr Gagnon rappelle que des douleurs lors des relations sexuelles sont possibles après l'accouchement. Parmi les causes les plus fréquentes, on trouve le niveau d'hormones oestrogènes très bas (encore plus bas chez les femmes qui allaitent). «La muqueuse vaginale est beaucoup plus mince qu'à la normale pendant près de trois mois. Il n'y a pas d'ovulation et donc, moins de lubrification pendant les relations. C'est ça qui peut être douloureux. C'est un processus physiologique naturel et non une affaire d'anatomie», précise le Dr Gagnon. Avec le temps, tout rentre dans l'ordre.