Un peu embarrassés, les jeunes gens et jeunes femmes se regardent timidement, tandis qu'un prêtre passe de l'un à l'autre pour les encourager à engager la conversation, tout en distribuant tasses de thé et petits gâteaux.

C'est la cinquième «messe pour célibataires» célébrée à l'église de l'Ascension de Notre Seigneur à Varsovie. Comme d'autres dans le pays, cette paroisse organise un soir par mois des rencontres pour aider des jeunes à trouver l'âme soeur, dans un pays très catholique, où croît la solitude et décroît la pratique religieuse.

Cela commence par une messe autour d'un sermon approprié -le prêtre parle des relations entre homme et femme, des difficultés de communication, de la jalousie - suivie d'une prière pour que chacun trouve sa moitié. Ensuite, tous se retrouvent dans un local attenant pour faire plus ample connaissance.

Ce soir-là, étaient présentes pas moins de 250 personnes, âgées d'une vingtaine et trentaine d'années.

De telles messes sont désormais organisées dans au moins trois églises de Varsovie, d'autres à Cracovie (sud) et à Olsztyn (nord).

L'atmosphère se réchauffe. «Les valeurs fondamentales sont en train de s'effondrer. Ce n'est pas dans une discothèque que vous pouvez trouver une épouse potentielle» partageant vos valeurs, explique un jeune homme de trente ans, Krzysztof Merchel, sur fond de rires et de bavardages.

«Beaucoup de gens sont seuls et ne savent pas quoi faire pour sortir de leur solitude», souligne ce soudeur, qui participe pour la première fois à une de ces messes.

Ces rencontres sont un peu le bébé de Matylda Krzysiak, un médecin de 34 ans, qui a lutté pendant quatre ans avant de convaincre le nouveau curé de les organiser.

«Les gens, en général, passent leur temps sur internet. Beaucoup se sentent seuls et tous sont débordés de travail», assure cette blonde élégante, elle-même encore célibataire.

L'étudiant en droit Tomasz Olejek, 23 ans, venu pour soutenir un ami en quête de compagnie féminine, explique avoir rencontré son amie, non dans une messe pour célibataires, mais en restant papoter à l'extérieur de l'église. «J'ai cherché une femme sur internet pendant environ huit ans. En vain. C'est dans le monde réel que j'ai rencontré ma petite amie. Il faut sortir de chez soi et regarder» autour, assure-t-il.

Les églises ont toujours été des lieux où les chrétiens se rencontrent, nouent des amitiés, s'engagent dans des projets et créent une communauté. Mais là, les paroisses annoncent clairement la couleur, souligne le sociologue Pawel Boryszewski. «Vous êtes seul? Alors, allez à la messe pour célibataires».

Un vide affectif

Quoique plus de 90% des 38 millions de Polonais se déclarent catholiques romains, l'influence de l'Église décroît. Le nombre de non-croyants est passé de 3% à 7% depuis 2005, selon la dernière enquête de l'Institut CBOS.

«On entend beaucoup dénigrer l'Église», soupire Matylda Krzysiak. Pour certains, les messes pour célibataires ne sont qu'un moyen pour remplir les paniers de quête, observe-t-elle. Ces soirées sont pourtant gratuites.

L'Église polonaise cherche à répondre à un besoin, explique le père Aleksander Jacyniak, 54 ans, qui organise lui aussi une messe pour célibataires à l'église des Jésuites, une autre paroisse située dans la vieille ville de Varsovie. Son prédécesseur a lancé l'événement après en avoir constaté l'utilité en écoutant les jeunes se confesser.

«Ils ont fini leurs études, ils ont trouvé du travail, ils ont acheté un appartement, tout le décor est planté -- mais il leur manque une femme ou un mari», dit-il.

Selon les statistiques officielles, le nombre de femmes célibataires est passé de 18% de la population en 1988 à 23% en 2011, sans compter les veuves et divorcées. Chez les hommes, il est monté également de 30% à 35%.

«Je fais partie des gens qui ressentent un vide affectif», avoue Ewelina Andrejczyk, une fille avenante de 20 ans à la chevelure multicolore.

L'étudiante en agriculture n'a pas trouvé sa moitié parmi une cinquantaine de participants réunies dans la crypte de l'église des Jésuites. Mais le père Jacyniak assure que le courant est passé entre certains et que dans le passé, il en a vu marcher jusqu'à l'autel.

PHOTO WOJTEK RADWANSKI, AFP