Dans sa biographie officielle sur l'internet, Julien, titulaire d'un poste très en vue, l'a écrit en toutes lettres: son conjoint et lui sont pères d'un enfant.

«Quelques personnes - dont certains gais - m'ont dit que j'étais courageux.»

Selon une étude du sociologue Michel Dorais et de la psychologue Isabelle Chollet, 70% des gais québécois espèrent un jour avoir une famille.

«Les plus vieux ont eu à faire leur deuil de la paternité, ce qui n'est pas le cas des plus jeunes», complète Isabel Côté, professeure en travail social à l'Université du Québec en Outaouais.

N'empêche, «comme il n'y en a pas encore beaucoup, c'est plus délicat, indique Julien. Être gai? Bof... Il y en a tellement. Mais être gai avec enfants, c'est plus rare. Surtout deux gars.

«Un truc un peu stupide m'est passé par la tête quand j'ai su que bébé allait être un garçon, poursuit-il. Qu'est-ce que les gens allaient dire? Deux gars avec un p'tit gars? Oui, sans doute, il y a certaines appréhensions... Quand tu fais ton coming out, ça repose sur tes épaules, tu es prêt. Là, tu veux juste que ton rejeton ne se fasse écoeurer par personne.»

Jusqu'ici, les appréhensions de Julien n'ont pas été fondées. Il ne s'est nullement senti jugé. Tout au plus l'objet d'une certaine curiosité.

Plus facile avant, mais plus cher

Anna, elle, a songé à être mère à l'époque où les cliniques de fertilité refusaient les lesbiennes. Avec sa conjointe, elle a eu ses deux enfants avant que Québec ne rembourse les programmes de procréation assistée. «En gros, à l'époque, c'était plus cher, mais moins compliqué, légalement.»

Aucune complication pour elles: elles ont toutes les deux été reconnues comme les mères de l'enfant. Encore aujourd'hui, la mère porteuse pour des hommes gais est toujours reconnue comme la mère et l'un des pères doit nécessairement passer devant le tribunal pour être considéré comme le père adoptif.

Anna, qui a grandi «bien avant que Britney Spears n'embrasse Madonna», ne s'est jamais beaucoup affichée. «Quand j'ai voulu devenir mère, là, je n'avais pas le choix.»

«En même temps, quand quelqu'un a demandé à ma fille si elle ressemblait plus à son père ou à sa mère et que je l'ai entendue lui répondre sans aucune hésitation qu'elle avait deux mères, j'ai rougi... Moi, dans ces situations-là, je patine plus.»