Concentré à en avoir les yeux rouges, le jeune Ahmed Zekria s'affale, triomphant, sur la scène après avoir jonglé sans arrêt avec quatre balles pendant plus d'une demi-heure lors des finales des championnats afghans de cirque.

Sous les encouragements nourris de ses coéquipiers de la province de Bamiyan, plus connue pour ses Bouddhas géants dynamités par les talibans que ses émules du «Cirque du Soleil», Ahmad s'est imposé devant huit autres candidats dans cette compétition.

«C'est un pur plaisir, jongler permet de développer à la fois votre corps et votre esprit», lance Ahmad, un adolescent filiforme de 13 ans, jean moulant et ceinture jaune étincelante. «C'est très fatigant de se concentrer de la sorte, mais c'est le prix à payer, car je veux devenir un athlète lorsque je serai plus âgé».

La huitième édition de ces championnats réunit cette année à Kaboul une centaine de jeunes Afghans venus de sept de la trentaine de provinces de ce pays miné par le conflit entre l'insurrection talibane et les forces nationales appuyées par les soldats de l'OTAN.

Cette compétition est partie prenante de la Semaine du cirque à Kaboul qui comprend aussi des parades dans les rues poussiéreuses et des sessions d'initiations à la jonglerie dans des camps de déplacés en couronne de la capitale.

«La jonglerie permet à ces enfants de se concentrer, elle leur apprend les atouts d'une pratique routinière, tout en stimulant une passion chez eux», soutient Lutfullah Naeemi, entraîneur pour les arts du cirque.

«Les enfants ont énormément de plaisir, ils développent une habileté, leur confiance et leur estime de soi. Ils apprennent aussi à être heureux en jouant et à nouer des rapports avec les autres non conflictuels», fait-il valoir.

Dans la cour de récréation adjacente à la scène principale de la compétition, des dizaines d'enfants s'exercent. Des filles timides, le visage ceint d'un foulard blanc, immaculé, se lancent des quilles en les faisant virevolter, pendant qu'une gamine jongle avec cinq balles de tennis et d'autres enfants marchent, montés sur des échasses.

Ces activités sont organisées par le Mini-cirque mobile pour les enfants (MMCC), un programme qui a soutenu des milliers de jeunes Afghans depuis sa création en 2002, peu après la chute des talibans.

«Les arts du cirque permettent d'aller à la rencontre des jeunes d'une façon telle que tout le monde s'amuse ensemble, et c'est ce dont le pays a besoin», explique le Danois Berit Muhlhausen, fondateur de cette organisation active dans plusieurs provinces et qui visite les camps de déplacés dans un conteneur mobile converti en mini-station pour l'apprentissage du cirque.

Ceux qui, au fil du temps, maîtrisent les rudiments des échasses et de la jonglerie deviendront instructeurs. Les apprentis, eux, ne sont pas autorisés à faire des spectacles de rue, des performances qui restent associées à la mendicité en Afghanistan. Les enfants sont plutôt encouragés à divertir leurs proches, des gamins jusqu'aux vieillards.

«Il nous arrive souvent de voir des enfants apprendre à des hommes barbus des trucs de base de jonglerie, mais bien entendu les jeunes sont meilleurs (que les vieux) ce qui provoque toujours des fous rires», raconte M. Muhlhausen.

Pour Marwa, adolescente de 12 ans vêtue d'une longue robe rouge, la jonglerie c'est du sérieux. «Je jongle au moins une heure par jour, chaque jour. C'était très difficile au début, mais après on apprend, on s'améliore et on commence à jongler» en y mettant de la fantaisie, dit-elle.

PHOTO SHAH MARAI, AFP