David Cameron juge l'affaire «extrêmement grave», le Parlement en débat et les tabloïds s'enflamment: la découverte de viande de cheval dans des hamburgers vendus en supermarchés vire au scandale national au Royaume-Uni, où manger des équidés est tabou.

C'est l'Autorité de sécurité alimentaire irlandaise (FSAI) qui a mis le feu aux poudres en annonçant mercredi que des tests menés sur 27 hamburgers censés contenir exclusivement du boeuf avaient montré la présence d'ADN de cheval dans 10 d'entre eux et de porc dans 23.

Ces produits, provenant d'usines en Irlande et au Royaume-Uni, ont été écoulés par plusieurs chaînes de supermarchés locales.

Les autorités irlandaises ont pris soin de préciser que la consommation de cheval - également peu goûté à Dublin - ne présentait aucun risque pour la santé. Mais l'émoi suscité chez les Britanniques par l'idée de manger ce qu'ils considèrent comme un animal familier, dans l'un de leurs mets favoris, a conduit les distributeurs à retirer sans attendre de la vente 10 millions de hamburgers surgelés.

L'agence britannique de la sécurité alimentaire, qui se demande s'il ne faut pas généraliser les tests ADN sur la présence de viande de cheval, a été chargée d'enquêter. Et le géant de la distribution Tesco n'a pas hésité à se payer une page d'encart dans la presse nationale pour présenter ses plus plates excuses à ses clients face à «ce problème grave».

«Même si la FSAI a dit que ces produits ne présentaient pas de danger pour la santé, nous sommes conscients que, comme nous, nos clients trouveront cela totalement inacceptable», explique le numéro un du secteur au Royaume-Uni.

Le monde politique n'a pas été en reste.

Le Premier ministre David Cameron a évoqué dès mercredi devant les députés une «affaire extrêmement grave», soulignant que ses «concitoyens avaient dû être très inquiets d'apprendre que lorsqu'ils achetaient des burgers au boeuf, ils achetaient en fait un produit comportant de la viande de cheval».

La question a été à nouveau débattue jeudi à la chambre où l'opposition a souligné que «manger du cheval est un fort tabou culturel au Royaume-Uni» et que ceux qui évitent le porc pour des raisons religieuses seraient «choqués» d'apprendre qu'ils en avaient peut-être mangé à leur insu.

Le ministre chargé du secteur alimentaire David Heath a quant à lui évoqué la possibilité de poursuites pénales.

La presse populaire a consacré une large place à l'affaire, en avançant que des fournisseurs du continent pourraient être à la source de cette erreur.

«Nous avons peut-être mangé du cheval pendant des années», s'est alarmé le Sun, plus gros tirage britannique.

La BBC a interrogé des experts pour comprendre cette aversion des Britanniques pour une viande tombée en désaffection dans les années 1930 dans le pays, mais encore mangée sans état d'âme - même si sa consommation diminue - par leurs voisins européens, ainsi qu'en Asie et en Amérique du Sud.

«On ne mange pas son Aston Martin», a expliqué l'un d'entre eux, rappelant que le cheval était jadis un moyen de transport. Certains ont évoqué son rôle pendant les guerres, célébré par le cinéma au travers le récent film de Spielberg War Horse.

«Cela nous permet d'avoir un autre caractère distinctif par rapport aux Français», a avancé un autre.

En 2007, le célèbre chef Gordon Ramsay avait bien tenté de convaincre ses compatriotes de mettre du cheval à leur menu, saluant ses qualités gustatives et nutritives, mais il s'était attiré une volée de bois vert.

S'ils répugnent à manger du cheval, les Britanniques en exportent, rappelait toutefois ironiquement la journaliste et écrivain Susanna Forrest dans le Daily Telegraph: «Nous continuons à envoyer nos amis à quatre pattes de l'autre côté de la Manche pour que ces Barbares les dégustent avec de l'ail».