Quand Katey Klippel, 26 ans, rentre chez elle après une dure journée de travail, elle laisse désormais son téléphone intelligent dans son sac. Ne plus consulter ses courriels professionnels après le bureau n'est pas vraiment un ordre de son patron, mais cela lui est fortement recommandé.

«Avant, je prenais aussi mon ordinateur à la maison», indique à l'AFP la mince jeune femme, «cela me permettait de gérer mes courriels, tout en préparant le repas ou en regardant la télé. Maintenant, je ne le fais plus».

Cette cadre de l'Advisory Board Company, société de conseil en gestion de 1850 salariés basée à Washington, n'a pas pris cette décision sur un coup de tête. C'est son patron qui le lui a demandé.

Car des entreprises commencent à prendre des mesures pour assurer cet équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Certaines, comme Volkswagen en Allemagne ou la française Atos, ont quasiment proclamé l'interdiction du téléphone intelligent après le bureau.

«Nous faisons régulièrement des enquêtes auprès de nos employés», explique Robert Musslewhite, directeur général de cette société qui aide à la gestion d'hôpitaux et d'établissements universitaires. Régir les courriels, surabondants, est apparu comme le problème numéro un, selon lui.

La consigne a donc été passée pour les trois jours d'une longue fin de semaine de septembre de respecter un «moratoire sur le courriel». «Je me suis moi-même retrouvé à regarder mon iPhone et à me dire "non, non, c'est week-end sans email, laisse tomber"», s'amuse M. Musslewhite.

Devant le succès remporté par l'initiative, la société a mis en place une sorte de mode d'emploi «pour utiliser les courriels de manière plus efficace, sans que cela n'empiète sur la vie des gens», ajoute-t-il.

Avec des recommandations de bon sens: diminuer le nombre de destinataires, résumer le message sur la ligne d'objet, éviter les «répondre à tous» et écrire des messages brefs, format SMS.

«Pendant des années, les courriels ont aidé à travailler plus vite, à mieux communiquer, mais c'est allé trop loin et cela a maintenant l'effet inverse», constate M. Musslewhite.

«Plier boutique»

Selon une étude réalisée par la société de logiciels Good Technology, citée par la chaîne NBC, gérer ses courriels ou répondre aux coups de téléphone professionnels après le travail rajoute un mois et demi de travail par an.

Les entreprises «pensent de plus en plus que les courriels ne sont pas un moyen très productif», note Gwanhoo Lee, professeur de technologie de l'information à l'American University de Washington, et elles se tournent vers la messagerie instantanée ou les réseaux sociaux.

Cela dit, «autant que je sache, beaucoup attendent toujours que leurs salariés gèrent leurs courriels professionnels même le week-end ou en congé», souligne le chercheur qui a travaillé avec de grandes sociétés comme IBM, Marriott ou Pfizer.

Selon une étude de la Society for Human Resource Management, à peine une entreprise sur cinq a une réelle politique en la matière et parmi celles-ci, une seule sur quatre évoque l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Les salariés «veulent participer», dit Judith Glaser, qui a fondé Benchmark Communications pour conseiller les entreprises, «quand ils ne sont plus en copie, les gens pensent que c'est un message indirect de la direction pour dire que vous ne comptez plus dans la prise de décision».

Pourtant, des études montrent que prendre des pauses, jours de congé ou vacances, améliore la productivité, précise-t-elle, et le secret est de discuter par avance des attentes de chacun.

«Pouvoir fixer la frontière entre travail et vie privée fait un bien fou dans la tête», assure Katey Klippel. «Maintenant, si on envoie des courriels à dix ou onze heures du soir, ça commence à inquiéter les collègues», sourit-elle. Du coup, «ça encourage à plier boutique».