Trollball, nom barbare pour qualifier un jeu de barbares? Détrompez-vous! Pour ses adeptes, on parle ici de sport. Très particulier, certes, caractérisé par le maniement d'épées et d'accessoires peu ordinaires. Tout de même. Cela mérite qu'on s'y attarde. Découverte.

Je m'attendais à une partie de plaisir. Ce le fut, mais de très courte durée. Mon temps de jeu moyen sur le terrain: quatre secondes, peut-être cinq. Tout ça pour quoi? Pour tenter de mettre la main sur une tête de Troll. L'objectif? Aller la placer dans un baril. Je divague? Pas du tout, je parle de sport. De Trollball.

Armés chacun d'une épée constituée de mousse et de fibre de verre, mes coéquipiers - et coéquipières - et moi-même nous jetons sur l'adversaire en cette soirée estivale au parc LaFontaine à Montréal. Le premier arrivé au centre du terrain attrape la tête de troll et tente, vaille que vaille, au péril de son intégrité physique - enfin, presque -, d'atteindre le but adverse, un baril, dans lequel il faut placer cette fameuse tête. L'équipe opposée n'est évidemment pas là pour faire de la figuration et a le même rôle à jouer. Après tout, c'est un sport collectif où deux équipes s'affrontent.

Un sport, réellement?

«Je vois cela comme un vrai sport, cela demande de la stratégie, de la précision, de la puissance. Il y a beaucoup de stop and go, il faut être précis avec l'épée, il faut savoir charger vers la zone de but adverse comme au football et il faut contourner les gens qui veulent nous tuer», explique Lissette, adepte plutôt adroite du jeu depuis presque 10 ans.

Manifestement, il faut mettre un petit peu de temps pour développer certains automatismes. Arrivé au centre du terrain, le premier coup d'épée sur le bras m'expulse du jeu. Retour dans la zone des remplaçants après avoir été récupéré par un «guérisseur». Cela ne faisait pas deux secondes que l'affrontement avait été engagé... Même scénario au cours des trois engagements suivants, même coup sur le bras ou le poignet, même conséquence.

Normal, me dit Martin. «Le poignet est la partie la plus vulnérable au touché, on tend systématiquement le bras.»

Populaire

Le Trollball exige de courir, de bien manier l'épée, de savoir contrer l'adversaire et de protéger le porteur de la tête de Troll. Bref, c'est un peu de football, un peu d'endurance et un petit peu d'escrime.

«Plus le niveau est élevé, plus le combat n'est pas le but principal», explique Émile, insatiable sur le sujet. Les pointages ne sont habituellement pas très élevés.

«C'est plus un sport que de la simulation médiévale», poursuit-il. Le mot est lâché. Le Trollball est en fait «le sport le plus populaire de l'univers médiéval fantastique», précise Olivier Renard, à qui l'on doit l'arrivée de ce jeu au Québec. Le Trollball s'est rapidement imposé dans les jeux de rôle grandeur nature médiévaux. Voilà pourquoi la tenue des joueurs et des joueuses n'a rien de contemporaine. Voilà pourquoi l'épée est au Trollball ce que le bâton est au hockey.

Les amateurs ont beau y jouer de temps à autre été comme hiver, le grand tournoi annuel est LA compétition. Et cela se déroule à Bicolline, plus grand rassemblement d'amateurs de jeux de rôle médiévaux au Québec. Ça tombe bien, ça commençait hier et ça se termine samedi.

La finale devrait se jouer devant près de 500 personnes.

Qui a dit que ce n'était pas un sport?

Comment s'y retrouver

Les règles du Trollball ont évolué avec le temps et selon les pays où il est pratiqué.

Habituellement, deux équipes composées chacune de 12 joueurs armés d'une épée s'affrontent sur un terrain de 90 pieds (27 mètres) de long sur 50 pieds (15 mètres) de large. Au coup d'envoi, le but est de récupérer au centre du terrain une tête de troll qu'il faut placer dans le but adverse qui n'est autre qu'un baril.

Cinq joueurs par équipe sont sur le terrain au coup d'envoi. Les trolleurs ont la charge de marquer, les abatteurs, celle de contrer les adversaires. Tout autour du terrain, deux «guérisseurs» par équipe doivent ramasser les épées de leurs coéquipiers immobilisés par un coup d'épée adverse. Une fois leur épée récupérée, les joueurs touchés doivent se rendre derrière leur ligne de but pour se faire remplacer.

Trolleurs, abatteurs et guérisseurs peuvent être touchés à tout moment de la partie qui dure deux périodes de 10 minutes. Il faut donc être très stratégique si l'on ne veut pas se retrouver à court de joueurs sur le terrain.

Le jeu s'arrête et reprend au centre du terrain à chaque point marqué.

De la Belgique au Québec

«J'ai ramené cela dans mes bagages. J'y joue depuis l'âge de 14 ans. La première compétition à laquelle j'ai participé, c'était en Angleterre, à 16 ou 17 ans.»

Belge d'origine, Olivier Renard est celui à qui l'on doit la pratique du Trollball au Québec depuis plus de 15 ans. Issu du monde des jeux de rôle à caractère médiéval, le Trollball est à l'origine une activité plutôt burlesque pratiquée en Europe. «Au Québec, cela a très rapidement pris une dimension sportive, il faut être en forme pour y jouer. En Europe, c'est resté beaucoup plus ludique», explique celui qui est installé ici depuis 21 ans.

En fondant Bicolline, plus grand rassemblement d'amateurs de jeux de rôle au Québec, Olivier Renard a dans la foulée fait découvrir ce qui est devenu un sport aux yeux de ses adeptes. «L'épicentre est à Bicolline», dit-il, même si depuis, d'autres rassemblements du même genre essaiment dans la province. Avec pour conséquence que le Trollball serait aujourd'hui pratiqué un peu partout au Québec par près d'un millier de personnes.

Aux dernières nouvelles, le Trollball serait pratiqué dans les cours d'école de la Mauricie.