Amis cracheurs de feu, amateurs de reconstitutions historiques, mélomanes avides de musique celtique et médiévale: le Salon de la passion médiévale et historique fera votre bonheur cette fin de semaine à Montréal. Pour sa 11e édition, le Salon, fer de lance du monde médiéval québécois, espère accueillir plusieurs milliers de visiteurs. Portrait d'un monde toujours en plein essor.

«Je ne connais pas un garçon ou une fille qui n'a pas joué aux chevaliers et aux princesses.» Lucien Bédard est formel: chacun porte en soi les germes de la passion pour le médiéval. Lui-même est tombé par hasard dans le monde des preux chevaliers, il y a près de 20 ans, sous l'influence d'un couple français amateur des reconstitutions historiques.

Après avoir peu à peu pris contact avec le monde du spectacle et de l'escrime ancienne, Lucien Bédard baigne complètement dans le médiéval: sa petite entreprise organise le Salon de la passion et édite LE magazine «récréotouristique» médiéval, Oriflamme. Il a vu en 20 ans grandir le nombre de passionnés.

«Les gens ont besoin de héros», croit-il. Le Moyen Âge, période historique s'étendant entre la fin de l'Antiquité et le début de la Renaissance, n'est pas l'âge sombre que l'on peut imaginer, souligne-t-il.

«Beaucoup de gens disent que le Moyen Âge, ce n'est pas gai. Mais il y a eu des périodes beaucoup plus sombres beaucoup plus près de nous, comme le XXe siècle. Et le Moyen Âge a produit beaucoup de choses intéressantes, ne serait-ce que dans le domaine des sciences. C'est sûr que l'espérance de vie était moindre qu'aujourd'hui, mais est-ce que c'est pire qu'aux débuts de l'ère industrielle? Au moins, au Moyen Âge, les gens vivaient en communauté, à la campagne, et subvenaient à leurs besoins.»

Médiéval contemporain

Depuis l'apogée du jeu de société Donjons et dragons, le loisir médiéval a pris de l'ampleur au Québec. En plus des jeux «grandeur nature» (les «GN», comme disent les initiés) et des groupes de reconstitutions historiques (sur le Moyen Âge, mais aussi sur l'ère des Vikings ou les débuts de la Nouvelle-France), le style médiéval s'étend aussi aux groupes de musique, de danse et à la mode.

Des robes aux bijoux, en passant par les incontournables armures: Charles Brousseau habille, grâce à sa boutique Dracolite, les amateurs plus ou moins mordus de médiéval. «On a des gens qui aiment l'univers médiéval, qui sont dans les GN, d'autres qui aiment le fantastique, mais on a aussi des vêtements à la mode. On a une bonne clientèle, on ne vend pas que des robes de bal et de mariage», explique-t-il quand nous l'attrapons au téléphone, en pleine fabrication d'une armure de cuir.

Pour la première fois, le Salon organise un défilé de mode: styliste chez Dracolite, Véronique Lortie exposera ses créations médiévales, mais aussi victoriennes ou gothiques. Si Charles Brousseau est un programmateur-analyste de formation passionné d'histoire, il a réalisé il y a 10 ans qu'il y avait un créneau à occuper pour la mode médiévale.

C'est aussi la certitude de Christian Déry, un participant de l'émission Dans l'oeil du dragon et de son pendant anglophone, qui espère monter un parc d'attractions médiéval et fantastique. Son projet ne s'est pas encore concrétisé, mais il ne doute pas de son succès. «Vous savez, l'être humain a pu aller sur la Lune avec une équipe. Eh bien, au même titre qu'on a posé le pied sur la Lune, moi, je sais que je suis en orbite», explique-t-il.

Réenchanter le monde

Le goût du Moyen Âge comme du fantastique est le fruit de notre époque, croit Diane Pacom, sociologue et professeure à l'Université d'Ottawa. «Le Moyen Âge ressemble à notre époque: c'est une période de transition, comme aujourd'hui. C'était aussi une période angoissante, trouble. En même temps, il y a le désir de trouver une société campée dans sa polarité: les femmes étaient des femmes, les hommes étaient des hommes.»

Des livres de Tolkien au cinéma hollywoodien, sans oublier la télévision qui s'est elle aussi lancée dans le créneau avec des séries historiques et fantastiques, au Moyen Âge ou pendant la Renaissance (The Pillars of the Earth, The Borgias, The Tudors et Game of Thrones), le passé est revisité et romancé. «Le fantastique plaît beaucoup aujourd'hui: le monde est cartésien, et il y a un besoin de sortir d'un monde unidimensionnel. C'est universel. L'humain a toujours voulu fuir dans le monde imaginé», estime Diane Pacom.

Le Salon de la passion médiévale et historique se tient vendredi, samedi et dimanche au Centre Pierre-Charbonneau de Montréal. www.salonmedieval.com