Elle règne sur le Royaume-Uni et le Commonwealth depuis 60 ans déjà. Aussi bien dire une éternité. Et sa popularité semble croître avec l'âge. Comment cette femme au destin particulier a-t-elle accompli un tel exploit?

Elle a bravé vents et marées, reçu sans broncher les foudres de son peuple qui lui reprochait sa froideur à l'endroit de Diana, enduré les échecs matrimoniaux de trois de ses enfants, subi l'incendie de son château de Windsor, pour finalement regagner le coeur de ses sujets, en grande partie grâce aux «noces du siècle» qui ont uni le destin de son petit-fils William à celui de Kate Middleton.

Lundi, Élisabeth II a célébré son «jubilé de diamant», soit le 60e anniversaire de son accession au trône. À pareille date, en 1952, la jeune Élisabeth rentrait précipitamment du Kenya, apprenant la mort de son père, George VI. À 25 ans, la mère deux enfants devenait souveraine du Royaume-Uni et des États du Commonwealth.

Immédiatement, elle a embrassé ce «travail à vie», épousant un sens du devoir irréprochable, un stoïcisme et une rigueur impeccables. «Les anecdotes décrivent une femme aux goûts très ordinaires, qui garde ses céréales dans un Tupperware et lit les pronostics des courses», rapportait lundi dernier un article de Marie-Pierre Ferey, de l'Agence France-Presse.

Il faut dire qu'elle a été formée à l'école de l'armée. En 1942, le jour de son 16e anniversaire, elle était nommée colonel en chef du régiment des Grenadiers Guards. À 18 ans, elle s'enrôlait dans la Auxiliary Territorial Service comme apprentie conductrice d'ambulance et comme mécanicienne. «Elle venait en aide aux forces armées pendant la guerre. Par la suite, elle aurait pu s'égarer, mais elle n'a jamais perdu son sens du devoir», observe le journaliste Marc Laurendeau, un fervent observateur de la monarchie anglaise.

Son conservatisme aura fait contraste avec le glamour de Diana et Fergie, presque comme un anachronisme, en comparaison avec les multiples débauches royales qui auront marqué l'histoire.

Mais pour la «grand-mère du peuple», qui a atteint l'âge vénérable de 85 ans, la revanche est douce: elle est aujourd'hui admirée pour sa continuité rassurante et son modernisme technologique (ses services ont ouvert en son nom des comptes sur Twitter et YouTube). Dotée d'une santé de fer, la reine remplit chaque année une foule d'engagements.

«À ce moment-ci, Élisabeth II est peut-être plus populaire que l'institution, estime le journaliste Marc Laurendeau. Bien des observateurs prétendent d'ailleurs que oui, la monarchie c'est bien tant qu'Élisabeth régnera, mais qu'après, on ne sait pas où ça ira. Il y a un attachement à cette personne, à sa continuité, à son sens du devoir.»

Intemporelle, Élisabeth?

«Oui, des gens malicieux lui reprochent ses tenues intemporelles et le fait qu'elle se soit toujours tenue en dehors de la mode. Mais elle est déjà un personnage quasi historique. Elle a rencontré tous les premiers ministres, de Winston Churchill à David Cameron en Angleterre et ici, de Louis Saint-Laurent à Stephen Harper, en passant par Trudeau, Chrétien et Diefenbaker. Cela lui donne une expérience et une sagesse politique inégalées. Et surtout, elle n'a jamais gaffé, n'est jamais intervenue dans le débat public de manière déplacée.»

Si avec Stephen Harper le Canada connaît ces jours-ci un regain de ferveur monarchique, ce n'est cependant pas une tendance qui gagne l'ensemble du Commonwealth, fait remarquer Marc Laurendeau. Et les Québécois ne sont pas les seuls à réfuter le God Save the Queen.

«Portia Simpson-Miller, qui vient d'être élue première ministre de la Jamaïque, a annoncé son intention de couper les liens avec la monarchie britannique», rappelle Marc Laurendeau.

Mais en attendant les fastes célébrations du jubilée de diamant, en juin prochain, marquons une pause pour souligner le destin de longévité de celle qui restera un personnage marquant de l'histoire. «Elle n'a pas toujours eu ce côté «vieille dame». Elle a été une fort jolie femme, dotée de beaucoup de charme, que l'on retrouve un peu aujourd'hui chez son petit-fils William.»