Exit la compétition, la force et la domination. Finies, oui, les valeurs à saveur capitaliste. Demain, la consommation, le monde du travail, et même nos foyers devraient être teintés de couleurs nettement plus responsables, équitables, et surtout durables. Bref, féminines. Ou roses.

Le monde est en train de tourner au rose, aux valeurs féminines croit Anne-Marie Leclair, vice-présidente, stratégie et associée chez lg2, qui participait hier à une journée de conférences sur les tendances en consommation en 2012, organisée par le magazine Infopresse.

On le sait depuis quelques années déjà: la quasi-totalité de la consommation est contrôlée par les femmes. Aux États-Unis, a d'ailleurs rappelé Christian Bourque, vice-président exécutif chez Léger marketing, lors d'une table ronde sur les femmes et la consommation, dans les foyers à deux revenus, les femmes effectuent 85% des achats. Même en ce qui a trait à l'automobile ou aux produits électroniques (des marchés typiquement considérés comme «masculins»), ce sont elles qui prennent les décisions finales, à 64% et 67%. Elles achètent même 50% des produits de beauté... masculins!

À noter, ont fait valoir d'autres intervenants, non seulement les femmes décident-elles des achats, mais en plus elles sont informées, critiques, et détestent se faire prendre pour des imbéciles. Ce qu'elles cherchent? Savoir ce qu'un produit va leur apporter, en quoi il va les servir, bref, comment il va rendre leur vie meilleure. Elles veulent comprendre par l'émotion. L'humanité. Et surtout, surtout, partagent toutes leurs expériences avec leur réseau social. D'où l'importance de les prendre au sérieux...

Influence sur la société

Conséquence? Cette «féminisation» de la consommation ne peut qu'avoir une influence sur la société en général. Anne-Marie Leclerc voit aussi là une porte d'entrée pour la montée en force de valeurs plus «féminines», non seulement dans le monde de la consommation, mais aussi dans les entreprises et les foyers. «Le féminisme a permis de faire accepter le sexe féminin, mais pas les valeurs féminines, dit-elle. Or, avec la montée des valeurs plus féminines en consommation, comme la collaboration, le partage, l'équité, des valeurs contraires aux valeurs typiquement associées au capitalisme, je suis convaincue que cela va s'implanter dans différentes sphères de la société. Il y a vraiment quelque chose qui se passe en ce moment à cet égard.»

Elle entrevoit une plus grande responsabilisation des individus, une plus grande prise de conscience de la question du gaspillage et un intérêt plus marqué pour l'achat durable. «Cela va faire en sorte qu'on va consommer pas nécessairement moins, mais de manière plus intelligente, croit-elle. En achetant des articles parfois plus chers, mais plus durables. On va être prêts à payer plus, pour une meilleure qualité. Et ça, on le voit déjà dans le domaine de l'automobile et du vêtement.»

S'il s'agit là d'une conséquence directe de la domination des femmes en consommation, c'est aussi un juste retour du balancier, analyse-t-elle. «On a été méga individualistes et méga égoïstes, et on a vu quel impact cela pouvait avoir sur l'explosion des familles, le gaspillage et l'environnement. On n'est pas allés dans la bonne direction!»

Sans parler de l'écoeurement général de la population devant le trop-plein de consommation et de ses dérives, dont le mouvement «Occupy» se fait l'écho. «Comme quelqu'un qui a trop longtemps mangé la même chose. On est écoeuré. On vit ça en ce moment. C'est l'humanité qui va reprendre le dessus.»

Changement de valeurs

Et l'arrivée en force de la génération Y (25-35 ans) sur le marché du travail ne va que confirmer cette tendance vers des valeurs moins compétitives, plus équitables, notamment dans le monde du travail, enchaîne la publicitaire. «Ces jeunes-là sont nés du féminisme, n'ont pas connu la guerre des sexes, et ne connaissent que l'équité salariale, fait-elle valoir. Je crois que les hommes de cette génération ne seront pas roses, mais teintés d'un bel équilibre entre les valeurs masculines et féminines. Et les femmes... aussi!»

Anne-Marie Leclair ne s'en cache pas. Elle entrevoit là un «gros changement». «Oui, c'est majeur, cela va changer notre société au grand complet, conclut-elle. Vers une société plus forte, je crois, et plus collaboratrice.»

Wow. L'avenir nous dira si sa vision rose de l'avenir s'avère juste... ou pas!