En 2001, le photographe britannique Nick Danziger a réalisé les portraits de 11 femmes en zone de guerre, de l'Afghanistan au Sierra Leone, en passant par la Colombie et la Cisjordanie. Dix ans plus tard, l'homme a voulu savoir ce qu'elles étaient devenues. La réponse, touchante et déchirante à la fois, est publiée dans Onze femmes face à la guerre, un imposant recueil de photos, en librairie ces jours-ci.

Olja, Mariatu, Dzidza, Nasrin, Sarah et les autres, il les a toutes retrouvées. Qu'elles aient été mutilées ou violées, veuves ou mariées, 10 ans après leur première rencontre, il les a toutes retracées. Toutes, sauf une: Mah Bibi, la petite orpheline de 10 ans, d'Afghanistan.

C'est pourtant elle et son regard profond qui fait la couverture de son tout dernier livre: Onze femmes face à la guerre, publié récemment aux éditions du Passage. «Oui, mon travail, c'est de faire des enquêtes. Plus que de la photo, quoi!» commente Nick Danziger, de passage à Montréal cette semaine pour faire la promotion de son livre.

Il faut dire que l'homme n'est pas un photographe comme les autres. «Moi, ma formation, ça n'est pas la photographie, le journalisme ou le cinéma, explique celui qui a tout de même remporté le prestigieux prix du World Press Photo en 2004, pour un portrait miroir de George W. Bush et Tony Blair. Je suis arrivé là à cause de ma passion pour les personnes que je rencontre.»

D'où son souci d'entretenir des liens, même à long terme, avec ses sujets. Surtout quand les sujets en question vous livrent leurs douleurs à cause d'un mari perdu, un fils assassiné, une main amputée, une vie brisée... «Dans un journal, poursuit le photographe, on raconte une histoire et puis on passe à autre chose. Mais pour moi, tous ces gens sont encore là! Je crois que le droit de suite, c'est important. Quelqu'un qui a témoigné est en droit de raconter ce qui s'est passé depuis son 15 minutes de gloire.»

Pour retrouver ces 11 femmes (photographiées à l'origine pour illustrer une enquête du Comité international de la Croix-Rouge), Nick Danziger a remué ciel et terre et fait travailler tous ses contacts. Le résultat est poignant. Qui l'eût cru? La petite Mariatu, du Sierra Leone, amputée dans son enfance par des rebelles, vit maintenant à Toronto. Sur les photos (en noir et blanc pour celles du passé, et en couleur pour celles du présent), on la voit désormais se maquiller avec habileté! «Elle maîtrise l'anglais, et l'internet, même sans mains. Il fallait voir dans quelle dèche complète elle habitait...»

Tous les destins ne sont toutefois pas si heureux. En témoigne le cas de Nasrin, une veuve afghane, qui a perdu une jambe en marchant sur une mine. Quand Nick Danziger l'a retrouvée, ses fils ont refusé qu'il prenne leurs soeurs en photo. Tout comme ils refusent, par ailleurs, qu'elles aillent à l'école. «C'est une réalité. Cela reste le destin de bien des femmes en Afghanistan...»

Mais malgré tout leurs malheurs, ces femmes demeurent pour lui des héroïnes dont il faut parler. Car combien de femmes ont connu le même destin? Surtout: «Combien de lecteurs auraient pu survivre à leur vécu? Dans toute leur horreur, elles demeurent si belles. Leur beauté vient de leur coeur, et ça se sent.»

Onze femmes face à la guerre, photos de Nick Danziger, textes de Frédéric Joli, édition du Passage, 190 pages, 59,95$.