Ils sont souvent défigurés et amputés. Ils dégagent une odeur pestilentielle, râlent et raffolent des cerveaux. Leur démarche est claudicante et leur regard, vide. Malgré l'aspect rebutant des morts-vivants, de plus en plus de femmes sont séduites. Les participantes étaient d'ailleurs nombreuses, samedi, à l'occasion de la première marche zombie de Montréal, organisée en marge du festival SPASM.

«Je suis une vraie passionnée de zombies et de films d'horreur. Petite, j'étais peureuse. On suggère d'affronter ses peurs pour les dompter, non? C'est ce que j'ai fait, j'ai regardé des films d'horreur encore et encore, confie Marybel Gervais, rencontrée samedi, avenue du Mont-Royal. Je pense que les filles sont désormais moins gênées d'afficher leur passion pour les zombies, même si elles sont moins portées vers l'horreur que les gars.»

Vêtue d'un cardigan bleu poudre et d'une jupe à pois ensanglantés et lacérés, elle pousse un landau dans lequel son fils Vincent, âgé de 1 an, est aussi déguisé en zombie. Sa doudou est déchirée et parsemée de taches rougeâtres.

Un peu plus loin, Michelle prend la pose pour les nombreux photographes amateurs. Elle a mis deux jours à confectionner son costume. Serveuse d'outre-tombe, elle porte une robe à motif vichy bleu et blanc qu'elle a cousue. Elle tient une cafetière dans laquelle baigne un cerveau. Sur son menton, le sang coule. «C'est une invasion de zombies, soyez prêts», dit-elle en riant. Son film préféré est Dawn of the Dead. «Ce qui est intéressant avec les zombies, c'est que tout le monde peut être frappé par le virus, il n'épargne personne. Du même coup, ça offre tout un éventail de possibilités pour créer des personnages.»

Dans la foule de morts-vivants, samedi, on croise effectivement une geisha, une femme au teint vert avec peignoir turquoise et bigoudis, la princesse Blanche-Neige, une mariée déchue, une fillette d'une autre époque... La créativité est au rendez-vous. Affichant un visage en lambeaux et des mèches de cheveux rouges, Marcella Williams a fait son maquillage avec des produits maison: des céréales, du miel, du jus et du papier hygiénique. Le résultat est étonnant. «Je suis fan de zombies depuis toujours. J'aime les films et la littérature zombie et les déguisements», confie-t-elle, en révélant des dents noircies. Tout a commencé avec le film Night of the Living Dead de George A. Romero, sorti en 1968. «J'aime cet univers imaginaire. C'est peut-être l'espoir de revenir à la vie... J'y vois un côté romantique!» Elle a transmis son amour des zombies à son fils Daniel qui, pendant la marche, prend un plaisir à rugir devant tout un chacun.

Renaissance zombie

Depuis quelques années, le phénomène zombie connaît un nouvel essor. Les films, les jeux vidéo et les livres mettant en vedette les morts-vivants se multiplient. La série The Walking Dead, dont la deuxième saison est en ondes sur AMC depuis la semaine dernière, connaît un succès monstre aux États-Unis. Des marches de zombies sont organisées un peu partout - de Londres à Toronto, de Paris à New York, en passant par Dublin et Strasbourg - et regroupent des milliers d'amateurs. Les fans de zombies n'ont jamais été aussi nombreux et ce, même chez les femmes. En ce samedi, elles comptent pour la moitié des participants dans les rues de Montréal.

Après les vampires, les zombies seraient-ilsin? «Les zombies sont plus populaires que jamais, probablement parce qu'ils sont le miroir de nos peurs actuelles», indique Matt Mogk, président de la Zombie Research Society, qui regroupe des centaines d'amateurs du genre, dont le cinéaste George A. Romero. «On craint les maladies virales comme le SRAS, la grippe aviaire et le sida. Pareil pour le virus zombie: si on est exposé à des fluides infectés, on est foutu. Les zombies sont aussi un synonyme de fin du monde. C'est donc un exutoire à notre peur des menaces dévastatrices comme le terrorisme, le réchauffement climatique et la crise économique.»

Avant tout une affaire de gars, les zombies? Pas du tout, affirme Matt Mogk. «Les femmes comptent pour au moins 40% des fans», estime-t-il. Dans la nouvelle vague de films de zombies, les femmes font meilleure figure qu'autrefois. «Le rôle des femmes dans les films a bien changé. Dans Night of the Living Dead, en 1968, le principal personnage féminin est passif, doux et faible. DansZombieland, en 2009, les femmes sont fortes et expertes en survie. Elles sont souvent plus habiles que les hommes pour naviguer dans le monde des morts-vivants.»

«Les zombies, c'est un phénomène cool», dit Jessica, exhibant un trou de balle sur le front. En ce jour de marche, elle a maquillé huit personnes de 9h à 14h. Du latex par ici, du gruau par là, du papier hygiénique et du maquillage pour enfants. Vêtu d'un sarreau blanc taché de rouge, son ami se promène avec un cerveau au bout d'un bâton. Il tente tant bien que mal de le manger, suscitant les rires. «Les zombie sont à la mode, c'est clair, poursuit-elle. Des compagnies commercialisent des aliments et de la boisson pour zombies. Les jeux vidéo de zombies sont populaires. Il ne manquait qu'une marche zombie à Montréal. C'est spécial d'être entourée de zombies de toutes sortes.»

Surveillez vos cerveaux, cette invasion montréalaise de zombies pourrait se répéter...