Finie, la douce folie de la jeunesse? Chose certaine, les jeunes semblent faire preuve ces jours-ci d'un mal de vivre hors du commun. Plus seuls, plus inquiets face à leur santé, et surtout plus pessimistes quant à l'avenir de la planète, ils sont loin de voir la vie en rose. Un nouveau sondage fait le point.

Un jeune sur quatre avoue se sentir seul, avoir du mal à vivre avec l'époque actuelle, craindre pour sa santé mentale et, surtout, croire que l'environnement va se détériorer au cours des cinq prochaines années.

C'est ce qui ressort du troisième et dernier volet de la série d'enquêtes d'Hebdos Québec, «Découvrez le vrai visage du Québec», rendu public aujourd'hui, portant cette fois sur les jeunes de 18 à 29 ans.

Le sondage, réalisé entre le 30 avril et le 29 juin dernier, par Léger Marketing, a été mené auprès de 29 016 Québécois, issus de 150 localités différentes.

«Cet axe jeunesse n'était pas prévu au départ, indique Gilber Paquette, directeur général d'Hebdos Québec. Puis, en analysant les données, certains écarts entre les jeunes et le reste de la population nous ont sautés aux yeux, notamment en ce qui a trait à la solitude, à l'époque actuelle, et à l'environnement. Depuis trois ans (que nous menons ce sondage), c'est une constante, poursuit-il, il se passe quelque chose avec les jeunes. On sent un certain mal de vivre.»

À la question: vous arrive-t-il de vous sentir seul, les jeunes du Centre-du-Québec sont les premiers à répondre par l'affirmative, à 30%, suivis de près par les Montréalais (27%) et des jeunes de l'Abitibi-Témiscamingue et du Lac-Saint-Jean (26%). Inversement, au sein de la population en général, seul un Québécois sur six (15%) dit se sentir aussi seul. «C'est comme si la promesse des technologies de l'information, qui devait nourrir nos relations, avait finalement déçu un jeune sur quatre», analyse Gilber Paquette.

D'ailleurs (est-ce vraiment une surprise?), ce sont aussi les jeunes, à 62%, qui se disent les plus dépendants face à l'internet, contre 54% de la population générale.

Une très grande majorité de jeunes Québécois (68%, contre 48% pour la population en général), aurait aussi préféré vivre à une autre époque, tout particulièrement les Gaspésiens, à 80%. «Et quand on leur demande à quelle époque, ils choisissent majoritairement les années 60-70, ce qui est révélateur. Ces années étaient associées au bonheur, à la liberté...»

Et du même souffle, un jeune sur quatre (25%, contre 13% pour la population générale) avoue toujours avoir peur de développer une maladie mentale, de faire un burn-out ou une dépression. Ce sont les jeunes de la Côte-Nord qui sont ici les plus soucieux, à 45%.

Moins écolos qu'on croit?

Contre toute attente, les jeunes sont les moins nombreux à avoir fait des gestes concrets pour réduire leur consommation d'énergie au cours du dernier mois, à 59%, contre 70% pour le reste de la population. Pire: interrogés, à savoir s'ils ont jeté un contenant recyclable (en plastique, métal ou verre) aux poubelles dernièrement, plus d'un jeune sur deux répond par l'affirmative (52%), contre un Québécois sur trois (35%). C'est en Abitibi-Témiscamingue (65%) et au Saguenay Lac-Saint-Jean (64%) que les jeunes ont été les plus délinquants à cet égard.

«Dans l'esprit où les jeunes ont tendance à se dire verts, oui, cela m'a vraiment surpris.»

Ils semblent enfin particulièrement pessimistes quant à l'avenir de la planète, puisque 25% d'entre eux affirment que l'environnement va se détériorer dans les cinq prochaines années, contre 17% pour le reste du Québec. «On a l'impression que les jeunes ont lancé la serviette», conclut Gilber Paquette.

Le sondage «Découvrez le vrai visage du Québec», réalisé par Léger Marketing pour le compte d'Hebdos Québec, a été mené du 30 avril au 29 juin dernier, auprès de 29 016 Québécois de 18 ans et plus, dans 150 localités de la province. La marge d'erreur est évaluée à 0,58%, 19 fois sur 20. Le sondage s'est divisé sur trois axes: un portrait social, relationnel et économique; la tolérance; puis la jeunesse (troisième et dernier axe, dont les résultats sont rendus publics aujourd'hui).

L'avis de la psy

La présidente de l'Ordre des psychologues, Rose-Marie Charest, décortique pour nous certaines données du sondage «Découvrez le vrai visage du Québec», réalisé pour le compte d'Hebdos Québec.

Seuls, les jeunes?

«On a l'impression que les jeunes sont plus en réseau qu'ils ne l'ont jamais été. Mais en même temps, malgré tout le grand nombre de contacts que l'on peut avoir, cela ne nous fait pas pour autant de vraies relations. (...) C'est ce qui expliquerait pourquoi les jeunes se sentent seuls: leur communication internet est intellectuelle, mais elle n'est pas affective. Or, la satisfaction de nos besoins affectifs, c'est aussi ce qui fait qu'on se sent moins seuls.»

Ils auraient préféré vivre à une autre époque?

«On idéalise les autres époques, selon moi. C'est une idéalisation de l'histoire transmise. Faire partie d'une histoire, cela donne un sens à sa vie. Il est normal qu'à cet âge, on n'ait pas encore d'histoire. Moi, je pense qu'il faut prendre ces résultats avec un grain de sel. Cela relève presque du niveau fantasmatique: on aimerait un ailleurs meilleur. Mais on a tendance à idéaliser le passé, vous savez...»

Ils craignent de souffrir de maladie mentale?

«Plus on est jeune, plus on est fragile. On a plus de choses à découvrir de la vie, donc plus de combats à mener. Il y a quelque chose de normal à être plus inquiet. Je ne suis pas vraiment étonnée. En même temps, il y a beaucoup plus d'informations qu'il y en avait par le passé. Dans leur parcours scolaire, les jeunes sont informés sur les risques de dépression, de burn-out, etc. Ils peuvent moins prendre appui sur leur expérience passée. Or, plus on est jeune, statistiquement, plus les probabilités qu'il nous arrive un jour quelque chose sont élevées! Mais en même temps, il ne faudrait pas dramatiser: la très grande majorité des problèmes mentaux finissent par se résoudre!»

Peu écolos, les jeunes?

«C'est ce qui m'a vraiment étonnée. J'ai l'impression que les jeunes sont davantage sensibilisés aux questions relatives à l'environnement. Étant plus sensibilisés, leurs exigences envers eux-mêmes sont probablement plus élevées. Leurs exigences étant plus élevées, ils sont probablement aussi plus critiques face à eux-mêmes (d'où le pourcentage élevé qui reconnaît, à la «question piège», avoir jeté à la poubelle un contenant recyclable)! Ce 25% de pessimistes m'a aussi attristée. Les jeunes ne sentent pas qu'ils ont beaucoup de contrôle sur leur avenir. Je mettrais ça en lien avec leur cynisme face à la politique. On le sait: les jeunes vont moins voter. Ce que ces données nous disent: c'est que les jeunes ne croient pas au projet collectif...»

23% des jeunes de 18-29 ans disent se sentir seul tout le temps ou souvent. (contre 15% chez l'ensemble des Québécois)

68% préféreraient vivre à une autre époque (contre 48%)

25% craignent de développer une maladie mentale (contre 13%)

62% trouvent difficile de ne pas pouvoir se connecter à l'internet (contre 54%)

25% croient que l'environnement va se détériorer dans les cinq prochaines années (contre 17%)

Source: «Découvrez le vrai visage du Québec», un sondage d'Hebdos Québec, réalisé par Léger Marketing.