Imaginez que votre téléphone intelligent décide de se prendre pour un scanneur de supermarché. Avec son «oeil magique», il décoderait les codes-barres des objets qui lui passent sous le museau. Et vous enverrait de petits films métaphoriques. Non, il ne s'agit pas ici d'une hallucination, mais bien d'une vraie expérience menée pour le projet Codebarre.tv, fruit d'une collaboration entre ARTE et l'ONF qui a pris son envol hier.

Un iPhone à droite, un portable à gauche, Hugues Sweeney, producteur de Codebarre.tv, explique que le concept de ce web-documentaire interactif est «un peu comme la lampe d'Aladin: tu frottes, et un génie en sort et te raconte quelles histoires se cachent dans les objets. Le déclencheur, c'est le code-barre.»

Quelle jolie idée. Mais vraiment, ça marche? Au café, où il a donné rendez-vous à La Presse, Hugues Sweeney propose de mettre à l'épreuve le système avec un bloc de «Post-It». On croque le portrait du code-barre avec l'iPhone, on clique sur la fonction «scanner» et, quelques instants plus tard, un petit film rigolo qui montre une main gribouillant sur ces petits papiers adhésifs apparaît. Comme par magie. OK, mais ça semble un peu arrangé avec le gars des vues...

«Essaye n'importe quel autre objet», défie Hugues Sweeney. Rebelote avec une bouteille d'eau volée sur la table d'à côté. Résultat: une réflexion philosophico-poétique par un gars qui propulse du liquide dans l'air.

Si Codebarre.tv a des films pour raconter autant d'histoires d'objets, c'est parce que Sweeney et une trentaine de réalisateurs (québécois et français) travaillent depuis 16 mois à la conception du projet, qui est plus près de l'expérience anthropologique que de la critique sociale.

«Jamais dans l'histoire, on a produit autant d'objets. La génération des 25-40 ans qui, dans 10 ans, va représenter la moitié du pouvoir d'achat, n'a pas connu l'ère d'avant le monde de la consommation. Qu'est-ce que ça veut dire quand les objets occupent autant de place dans nos vies? Qu'est-ce que les objets ont à dire? Dans un monde où les objets sont de plus en plus personnalisés, que disent-ils sur notre façon de voir le monde?» lance Hugo Sweeney, qui s'est nourri des réflexions de Jean Baudrillard pour développer Codebarre.tv.

Les réalisateurs de la centaine de petits films d'une minute de Codebarre.tv ont bénéficié d'une liberté artistique totale. Les seules consignes qu'ont reçues ces créateurs provenant du documentaire, de la fiction, de la pub: ne pas parler des objets comme tels, mais plutôt faire raconter aux choses une histoire (le tout, en 60 secondes).

«L'idée est d'amener les gens à se détourner de l'écran et à regarder autour», dit Hugues Sweeney, qui espère que les utilisateurs de Codebarre.tv vont s'amuser à «scanner» des objets un peu partout, au dépanneur comme dans un magasin à grande surface.

Ce qui ressort, comme dénominateur commun de ces films? «Le sentiment de se trouver à un moment de profonde transition. On n'est pas dans la critique, la revendication, la provocation, mais plutôt dans une perspective de témoignage», réfléchit Hugues Sweeney, avant de faire référence à un film de la Montréalaise Tally Abécassis qui raconte le récit de vieilles télés abandonnées.

À la fois application pour téléphone intelligent et site web, Codebarre.tv deviendra aussi une installation physique appelée à voyager dans des festivals. Ses 100 films sont classés en 14 catégories (travail, sport, culture...). Les utilisateurs seront invités à enrichir le site, par l'ajout de textes et de photos sur des objets.

Le projet investira Facebook et Twitter et Hugues Sweeney entend aussi sortir de la sphère du documentaire pour établir un dialogue avec les gens qui travaillent en design et dans l'industrie du jeu.

«Avec un tiers des utilisateurs qui ne viennent pas du Canada, ce genre de production permet de dépasser les frontières.»

Quand votre bouteille d'eau vous parle, c'est qu'en effet, on entre dans une nouvelle ère....

Le web-documentaire mobile et interactif codebarre.tv est en ligne depuis hier.