En dépit d'une forte tradition végétarienne et d'un tabou religieux lié à la consommation de boeuf, les Indiens consomment plus de viande que jamais, conséquence d'une évolution du régime alimentaire et de meilleurs normes d'hygiène dans le processus industriel.

Selon la FAO, l'agence de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture, la consommation annuelle de viande par habitant oscille entre 5 et 5,5 kg, un chiffre record qui reflète l'attrait grandissant pour les régimes riches en protéines dans les pays en développement.

Les experts estiment que la forte croissance économique, qui a fait émerger des consommateurs de plus en plus aisés et voyageant davantage, explique en partie la raison de ce changement alimentaire offrant de nouvelles opportunités aux magasins et restaurants.

«Les Indiens perdent leurs inhibitions et deviennent plus hardis», relève Jaydeep Mukherjee, chef cuisinier à l'Indigo Delicatessen, l'un des restaurants de cuisine étrangère les plus appréciés de Bombay.

«Les pièces de boeuf et de porc sont devenus des plats que l'on aime commander», souligne-t-il, interrogé par l'AFP.

Ce restaurant gastronomique, qui s'enorgueillit de son sandwich au boeuf fumé, est aujourd'hui en quête de fournisseurs pouvant l'approvisionner en faisan, caille et canard.

«La consommation de viande, qui était autrefois soumise aux sanctions parentales, progresse rapidement sous l'effet d'attitudes plus libérales et de plus grandes influences occidentales», analyse de son côté Mohit Khattar, directeur général de la chaîne de magasins fins Nature's Basket.

Pour M. Khattar, manger non-végétarien n'est plus un luxe. Les normes d'hygiène pour fabriquer la viande se sont aussi améliorées, donnant davantage confiance au consommateur.

Les articles culinaires non-végétariens représentaient l'an dernier un sixième des ventes totales de Nature's Basket, de 13,3 millions de dollars, soit une envolée de 64% sur un an.

Dans cette chaîne de mini-supermarchés proprets ciblant une clientèle aisée, des produits importés comme le jambon fumé, le bacon, le prosciutto, ou encore le chorizo, sont plébiscités par les Indiens, selon M. Khattar.

L'Inde produit 10,6 millions de tonnes de viande et de poisson par an, selon la FAO, mais le pays reste un bastion du régime végétarien.

Il n'y a aucun chiffre officiel sur le nombre de végétariens dans le pays de 1,2 milliard d'habitants. Le quotidien The Hindu a toutefois mené une enquête nationale en 2006 concluant que 40% de la population consommait des produits laitiers et des oeufs mais pas de viande. C'est le chiffre le plus élevé au monde.

Manger de la viande, en particulier du boeuf, est toujours inacceptable pour la majorité des hindous, qui considèrent que la vache est un animal sacré. Tuer les vaches pour se nourrir est d'ailleurs interdit par la loi dans la plupart des États indiens, avec à la clé de lourdes sanctions.

Implantée en Inde, la chaîne McDonald's ne vend pas de burger au boeuf.

C'est un tabou si présent que certaines sociétés de logements à la vente ou à la location peuvent interdire à un non-végétarien d'accéder à un bien.

Les musulmans, deuxième communauté la plus importante en Inde, ne mangent pas de porc. Seuls les produits de la pêche et le poulet peuvent être consommés par toutes les communautés.

La consommation annuelle par habitant de poulet a doublé, passant de 1,08 kg voici dix ans à 2,26 kg en 2010, selon l'Institut de recherche sur les politiques alimentaires et agricoles, basé aux États-Unis.

Le taux de consommation de viande par habitant est toutefois bien plus bas en Inde que les 27 kg consommés en moyenne en Asie et les 38 kg ingurgités dans le reste du monde, selon les chiffres 2007 de la FAO, les plus récents.