Plusieurs villes américaines commencent à s'attaquer à une nouvelle réalité: au coeur de villes conçues pour les gens actifs, la population vieillit à une vitesse fulgurante.

Ainsi, les personnes âgées seront bientôt plus nombreuses que les jeunes écoliers à New York. Dans cette ville où la vie avance habituellement à un rythme effréné, un tsunami de têtes grises risque de balayer les habitudes de la société orientée vers la jeunesse.

Les mesures devront être créatives afin de rendre New York et d'autres villes assez adaptées au vieillissement pour pouvoir permettre aux adultes plus âgés de demeurer actifs et indépendants dans leurs maisons.

«Il faut changer la façon dont nous envisageons le vieillissement dans notre communauté», a expliqué la représentante du maire de New York, Linda Gibbs.

«La locution "Fin de vie" ne s'applique plus.»

Les initiatives de la ville de New York, par exemple l'utilisation d'autobus d'écoliers pour emmener les personnes âgées à l'épicerie, lui ont valu la reconnaissance de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui l'a qualifiée de leader dans ce mouvement.

Mais New York n'est pas seule.

Atlanta a créé des «communautés permanentes». Philadelphie vérifie l'hypothèse qui veut que vivre dans une communauté où tout est accessible à pied améliore la santé des adultes plus âgés. À Portland, en Oregon, des pressions sont exercées afin d'inclure l'accessibilité au logement dans les politiques de zonage et d'urbanisme de la ville.

Quand même, les efforts arrivent un peu tard, en considérant que les démographes ont annoncé le vieillissement de la population il y a un certain temps déjà.

«C'est scandaleux de constater notre retard, surtout si on considère qu'en adaptant une communauté aux besoins des personnes âgées, on la rend plus intéressante pour les gens de tous les âges», a expliqué Margaret Neal, de l'Institut sur le vieillissement de l'Université Portland State.

Si le mouvement naissant est porté par les programmes à but non lucratifs et gouvernementaux, New York espère inclure la participation des entreprises privées également.

L'an dernier, Harlem-Est est devenu le premier «district pour l'amélioration du vieillissement». Soixante boutiques, identifiées par des affiches dans leurs fenêtres, ont accepté de fournir des chaises pliantes à leurs clients afin que ceux-ci puissent se reposer pendant leurs séances de magasinage. Ces boutiques évitent également de poser des objets qui pourraient devenir des obstacles dans leurs allées. Sur leurs affiches, les mots sont inscrits dans des caractères plus gros. Une piscine communautaire a également délimité des heures d'ouverture «pour personnes âgées seulement» afin que les nageurs plus vieux puissent faire des longueurs à leur vitesse, sans que des enfants et des adolescents ne les dérangent dans leurs mouvements.

Au coeur d'un long pâté de maison, le comptable Henry Calderon accueille les personnes âgées qui souhaitent se reposer dans son lobby refroidi à l'air climatisé, même s'ils ne sont pas des clients. Mais peut-être le deviendront-ils un jour.

«C'est bon pour les affaires, et c'est bon pour la communauté aussi», remarque-t-il.

L'ampleur du vieillissement de la population est stupéfiant. Pendant les prochaines décennies, les baby-boomers vieillissants s'ajouteront au nombre de personnes âgées de 85 à 90 ans, et même plus, chiffre qui a explosé de près d'un tiers dans la dernière décennie, une tendance qui ne semble pas ralentir.

En 2050, un Américain sur cinq sera une personne âgée. Dans le monde, près de deux milliards de personnes auront 60 ans et plus, tandis que 400 millions auront plus de 80 ans.

Plus souvent qu'autrement, le regard porté sur ces prévisions concerne la santé, la préparation à une vague de la maladie d'Alzheimer ou, encore, la responsabilité politique, à savoir le moment où la sécurité sociale ne parviendra plus à subvenir aux besoins de tous.

«Nous croyons plutôt que cette tendance devrait être célébrée», a expliqué le docteur John Beard, qui observe le réseau de «villes adaptées au vieillissement» de l'OMS.

«Les personnes âgées doivent vivre dans un environnement qui leur permet de s'impliquer.»

À Harlem-Est, un autobus scolaire jaune prend un tournant, puis s'arrête. Jenny Rodriguez, 69 ans, en descend. L'autobus a déjà déposé des enfants à l'école. En attendant de ramener les écoliers à la maison à la fin de l'après-midi, le véhicule sert de navette vers et depuis un marché de fruits et légumes frais.

Mme Rodriguez fait habituellement ses courses à pied, en poussant un petit chariot. Ça peut être toute une aventure. Les supermarchés ne sont pas nombreux dans ce secteur pauvre de la ville, et les petites épiceries offrent peu de choix.

«Je ne peux pas acheter beaucoup de choses. Les trous sont parfois tellement gros dans les rues que je manque de tomber quand je pousse mon panier d'épicerie», a expliqué Mme Rodriguez, en contemplant les patates douces qu'elle a dit être plus fraîches et moins chères que celles qu'elle trouve à l'épicerie où elle se rend habituellement. «C'est tellement plus facile avec la navette.»

À plus de 200 reprises, les autobus scolaires ont transporté des personnes âgées de leurs résidences communes jusqu'aux supermarchés de diverses communautés. Cette mesure s'inscrit dans une série d'initiatives mises sur pied par l'Académie de médecine de New York et le gouvernement de la ville en 2009 afin de répondre aux besoins des résidents plus âgés. Les résultats sont déjà visibles.

Un rapport de la ville indique que le nombre d'accidents a diminué aux intersections achalandées des communautés de personnes âgées depuis que les lumières accordent des secondes supplémentaires aux piétons qui souhaitent traverser la rue.

Des bancs ont été installés dans près de 2700 arrêts d'autobus afin de fournir un endroit où les personnes âgées peuvent se reposer.

La flotte de taxis de la ville, qui est vieillissante, sera elle aussi revitalisée. De nouvelles voitures conçues pour faciliter l'accès aux personnes âgées prendront la relève.

Dans le nord-ouest de la ville (Upper West Side), des personnes âgées ont mis sur pied un rapport qui dresse la liste les épiceries adaptées aux besoins des personnes âgées. Ces établissements offrent la livraison, ils sont munis de toilettes publiques - ce qui est rare dans cette ville - et ils vendent des portions individuelles de viande fraîche, de volaille et de poisson, un atout important pour les personnes vivant seules.