Chez les anglophones québécois, l'espérance de vie en 2005 frôlait 80 ans. Les francophones, eux, avaient une espérance de vie de 78 ans. Chez les femmes, l'écart est similaire.

Pourquoi cette différence? se demandent les experts depuis quelques années. Après tout, le taux de chômage des anglophones est plus élevé que celui des francophones. Et surtout, presque partout dans le monde, l'état de santé des minorités est moins bon que celui des majorités.

L'explication pourrait être dans le «capital social», a expliqué un chercheur de l'Institut national de santé publique du Québec, Normand Trempe, hier, au congrès annuel de l'Association francophone pour le savoir, à Sherbrooke. «Les anglophones semblent mieux soutenus par leur milieu, tant au niveau du réseau social, de la confiance et des rapports entre individus. Leur communauté est marquée par un niveau plus élevé de participation sociale et de réciprocité. Ces caractéristiques sont liées à un meilleur état de santé.»

Quelle proportion de ce capital social est due à la domination anglophone de la société québécoise avant les années 60? En Angleterre, l'épidémiologiste Michael Marmot a montré que le niveau de contrôle sur sa propre vie professionnelle expliquait les différences d'état de santé chez les fonctionnaires britanniques: les patrons étaient en meilleure santé, même s'ils ne gagnaient pas beaucoup plus que leurs subordonnés. Cet effet explique-t-il l'espérance de vie plus élevée des anglophones québécois?

«Oui, il reste certainement un peu de cela», explique M. Trempe, notant que la différence d'espérance de vie était particulièrement élevée chez les personnes âgées. La différence est aussi plus importante à Montréal et dans les grandes villes qu'à la campagne, peut-être parce que la population anglophone rurale est plus dispersée, dit M. Trempe.

Cette différence explique-t-elle que le Centre universitaire de santé McGill soit davantage avancé que le CHUM? «Je ne veux pas faire de commentaires politiques, dit M. Trempe. Mais on voit bien que la tradition du don chez les anglophones est plus ancienne. À l'Université Laval, par exemple, la commandite de pavillons par des individus est une chose relativement récente. Pas à McGill. Ça fait partie du capital social autant que du capital économique, de la richesse des anglophones d'autrefois. Le capital social est une caractéristique qui se bâtit au fil des décennies.»

En Finlande aussi

L'un des seuls autres exemples de minorité ayant un meilleur état de santé que la majorité est la Finlande, avec sa minorité suédoise qui compose 10% de la population. Chez les hommes, la différence frôle les 10 ans et ne semble pas diminuer avec les années, contrairement au Québec. «Le capital social semble expliquer la majeure partie de la différence en Finlande», dit M. Trempe.

Le niveau socioéconomique plus élevé des Suédois en Finlande n'explique qu'entre le tiers et la moitié de leur espérance de vie plus favorable.