Quand Sandra Ouellet était au cégep, sa meilleure amie essayait de la convaincre que sa foi en la vie après la mort n'avait aucun sens. «Je lui ai répondu qu'elle ne pouvait pas m'empêcher d'y croire, que j'y croyais, au paradis», explique la jeune femme de 20 ans, qui fait partie de la mission jeunesse de l'archevêché de Montréal.

Mme Ouellet a toujours baigné dans la foi catholique. Enfant, elle assistait tous les dimanches à la messe avec ses parents, butinant d'une paroisse à l'autre. Au secondaire, elle a vécu sa foi «dans l'ombre», pour éviter les quolibets. Mais au cégep, après avoir été aux Journées mondiales de la jeunesse de Cologne, elle a senti le besoin de s'afficher, tout particulièrement face à ses amis «rationnels».

Cette conviction la place dans une minorité: en 2006, seulement 4,1% des Québécois de 16 à 30 ans assistaient chaque semaine à une cérémonie religieuse, selon des données canadiennes citées par le livre Modernité et religion au Québec, paru l'an dernier. Moins de 30% d'entre eux vont à la messe plus d'une fois par an.

C'est une baisse sensible par rapport aux générations précédentes. Près de 40% des 30 à 40 ans et 43% des baby-boomers allaient en 2006 à l'église plus d'une fois par an, les chiffres pour la pratique hebdomadaire étant respectivement de 5,8% et 8,8% pour ces deux groupes.

Mais les sociologues et historiens de la religion ont longtemps été intrigués par une caractéristique singulière des Québécois. Contrairement aux autres Canadiens, ils continuent à se dire catholiques même s'ils ne pratiquent plus - plus de 90% des Québécois francophones se définissent ainsi. Le taux d'athéisme et d'agnosticisme est parmi les plus faibles au pays.

«Encore aujourd'hui, les trois quarts des adolescents québécois continuent de croire à la vie après la mort et prévoient avoir une cérémonie religieuse pour marquer la naissance de leurs enfants», explique Reginald Bibby, un sociologue de l'Université de Lethbridge qui étudie depuis une dizaine d'années cette particularité québécoise. «C'est une occasion pour l'Église catholique de regagner des fidèles, même s'il semble que la tendance soit moins forte pour les adolescents.»

À l'archevêché de Montréal, le responsable de la mission jeunesse, André Gazaille, affirme que la foi est étonnamment forte chez les jeunes. «À la messe du dimanche de 17h à la cathédrale, des fois il y a une majorité de jeunes adultes, dit Mgr Gazaille. C'est très surprenant. Évidemment, il y a beaucoup de communautés culturelles, surtout chez les jeunes. Le mercredi des Cendres, on s'attendait à avoir une majorité de personnes âgées, mais les trois quarts étaient des jeunes travailleurs des immeubles des alentours.»

La thèse de M. Bibby ne fait pas l'unanimité. «On voit un intérêt pour la spiritualité chez les jeunes Québécois, mais je ne suis pas sûr que ça va les ramener à l'église», estime François Gauthier, qui enseigne les sciences de la religion à l'UQAM et a dirigé en 2008 le livre d'essais Jeunes et religion au Québec. «Avec la fin de la catéchèse à l'école, le catholicisme n'est plus la réponse automatique de ceux qui ont des interrogations spirituelles. Ça va de l'hindouisme à la magie, en passant par des imageries religieuses comme celles qu'utilisent des mouvements musicaux comme le heavy metal. On peut même considérer l'expérience des raves comme spirituelle.»

Des chiffres récents semblent d'ailleurs montrer que la fin de la catéchèse à l'école a finalement eu raison de l'attachement culturel des Québécois au catholicisme, explique Robert Mager, un théologien de l'Université Laval. «La proportion d'enfants qui sont baptisés a commencé à baisser depuis l'an 2000, dit M. Mager. Et on commence à voir une baisse de la proportion des jeunes qui se disent catholiques.»