L'expression courante «problèmes de santé mentale au travail» réfère aux problèmes de santé mentale qui sont causés ou exacerbés par le travail. Puisque c'est là qu'ils sont le plus souvent comptabilisés en ce qui a trait à la durée et aux coûts, cela laisse trop souvent l'impression que le travail, en soi, est davantage cause de maladie que source de santé. Et pourtant!

Le travail répond à plusieurs besoins essentiels. Il a, de ce fait, un puissant impact psychologique sur l'individu et même sur ses proches. Or, selon les conditions dans lesquelles il s'exerce, cet impact va du plus enrichissant au plus dévastateur.

Les besoins matériels auxquels le travail permet de répondre sont évidents. Ils dépassent souvent le confort personnel de l'individu pour s'étendre à sa vie familiale, à sa sécurité, à ses projets, à ses rêves.

L'identité est largement déterminée par l'occupation professionnelle. À preuve, quelle est la première question que vous adressez à une personne que vous venez de rencontrer? Et quelle est une des premières questions que les parents se posent sur l'avenir de leur enfant? De plus, s'associer à une entreprise ou à une cause ajoute à son identité individuelle une identité sociale qui contribue à solidifier la première.

Satisfaire des besoins

La participation à un projet collectif est source de bonheur. Le sentiment d'efficacité personnelle est un besoin pour l'individu. L'estime de soi, pilier de la santé mentale, nécessite qu'on ait la possibilité de s'accomplir, d'être valorisé par ce qu'on fait. Or, le travail peut procurer de multiples occasions d'apprendre, de réaliser, voire de se réaliser.

Nous avons besoin d'appartenir à un réseau constitué de relations interpersonnelles diverses, certaines plus neutres que d'autres, mais qui ont une importance capitale pour notre bien-être affectif. Le milieu de travail, les relations que l'on y vit participent de manière notable à notre équilibre ou à notre déséquilibre psychologique.

Pour que le travail soit source de santé et non cause de maladie, il doit permettre la satisfaction de ces besoins. Le travailleur doit retirer des avantages matériels qui lui procurent une sécurité et un sentiment de justice qui sont la base de sa relation de confiance envers l'employeur. Il doit s'identifier avec fierté à l'entreprise et à son rôle au sein de celle-ci. Pour cela, il doit être bien informé de la nature et des objectifs du projet auquel il participe.

Qualité des relations

La formation continue n'est pas un luxe. Elle rehausse les compétences, augmente la motivation et favorise l'engagement. Les buts fixés tant par soi-même que par les autres doivent être réalistes, car le travail qu'on n'a pas réussi à faire nous fatigue davantage que celui qu'on a accompli. La reconnaissance est essentielle, mais elle ne peut remplacer l'évaluation positive de ses réalisations. La qualité des relations est l'affaire de tous; elle devrait recevoir de la part des gestionnaires au moins autant d'attention que la performance individuelle.

Ce ne sont pas les exigences élevées qui rendent malade. Ce sont celles pour lesquelles la préparation est insuffisante et le risque d'échouer plus grand que les chances de réussir. Ce n'est pas le fait de travailler fort qui épuise, c'est le fait de le faire sans pouvoir y trouver de sens. Tous veulent vivre des succès : employeurs et employés. À chacun de permettre à l'autre d'y arriver par tous les moyens mis à sa disposition.

Le travail peut et doit être source de santé, non de maladie.

Rose-Marie Charest est présidente de l'Ordre des psychologues du Québec. Vous pouvez lui faire part de vos commentaires ou suggérer des thèmes de chroniques à vivre@lapresse.ca