L'image qui convient est celle de motards, chevauchant leurs bécanes sur une route sinueuse. Sauf que les courbes ont été remplacées par des nuages. Et que le vent est plus froid. Beaucoup plus froid.

Nous sommes à 3000 pieds d'altitude, quelque part au-dessus de Saint-Hyacinthe. En-dessous de nous, des champs à perte de vue. Au-dessus, le ciel bleu... et la voilure multicolore de l'ultra-léger motorisé (ULM) de Jacques Jaillet et Sylvie Beaulieu. Autour de nous, trois autres appareils semblables contournent les nuages, font des virages serrés, partent en vrille. Les pilotes s'amusent comme des fous.

Comme à chaque jour où la météo le permet, des petites formations aériennes d'ULM semblables remplissent le ciel de Saint-Hyacinthe. Une trentaine de pilotes, des hommes et des femmes de tous âges, ont établi leur quartier général dans le hangar d'Aviation Rouair, une sorte de marina du ciel, ou club de motos volantes.

Composés essentiellement d'un chariot à deux chaises muni de cadrans de vol, d'une voile de deltaplane surdimensionnée et d'un moteur semblable à celui qu'on peut retrouver dans une motoneige, ces petits appareils sont extrêmement agiles. « Dans un champ où il n'y a pas de construction, on peut voler en rase-motte à un pied du sol. Il suffit qu'on voit du haut des airs quelque chose qui nous intéresse, comme un animal par exemple, et on s'approche. On peut même couper le moteur et se laisser planer pour faire moins de bruit», explique Jacques Jaillet, un des pionniers de l'ULM au Québec.

Créés par des pilotes de deltaplane à la fin des années 70, les ultra-légers motorisés sont maintenant répandus partout dans le monde. « C'est un loisir qui est coûteux à l'entrée - les machines coûtent entre 40 000 et 60 000$ - mais une fois la formation de pilote et l'équipement de base acquis, ça ne coûte presque rien de voler. Un ULM consomme environ 8 litres d'essence par heure », précise Bernard Rouer, propriétaire d'Aviation Rouair.

Et à peu près tout ce qu'un avion normal peut faire peut être réalisé avec un ULM. « On peut faire des vols de cinq ou six heures, la seule limite véritable, c'est celle de notre vessie !», rigole Sylvie Beaulieu, également pilote. C'est comme l'habitacle, on peut pratiquement tout faire, sauf installer un chauffe-cabine. »

Voyager autour du monde

L'an passé, Sylvie Beaulieu et Jacques Jaillet ont vu sur un site de partage vidéo des images d'ULM sillonnant les canyons du Nouveau-Mexique. Le couple a envoyé un courriel aux auteurs. Quelques mois plus tard, ils volaient, avec leur appareil, dans les mêmes canyons, accompagnés des pilotes locaux. « Un ULM, ça se plie facilement. On met le chariot dans une remorque, l'aile sur le toit de l'auto, et on peut partir à la découverte du monde, explique Sylvie Beaulieu. Sur place, un champ ou une petite plage peut nous servir de piste de décollage. »

Une femme fait le tour du Canada

À l'été 2009, Odile Rablat, une Française de 57 ans, a fait un voyage encore plus étonnant en ULM: pendant quatre mois, elle a traversé le Canada d'est en ouest. 12 000 kilomètres de vol, à bord de son minuscule aéronef, seule, sans assistance. « Si vous rencontriez cette femme en personne, vous seriez surpris. Elle n'a pas le profil du casse-cou fini. C'est juste une femme passionnée par l'ULM. C'est une madame tout-le-monde, qui a réalisé une très grande chose», croit Jacques Jaillet.

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L'ULM en chiffres

Nombre de place : 2

Poids de l'appareil : autour de 200 kg, peut aller jusqu'à 600 kg

Coût : entre 40 000 et 60 000$ pour un appareil neuf

Vitesse : autour de 100 km/h, mais peut atteindre les 160 km/h

Autonomie de l'appareil : 5 à 6 heures sans escale

Formation nécessaire : environ 20h de cours théorique + 20 h de cours pratiques

Coût de la formation : environ 3500$