C'est un emblème de Montréal, sorte de paquebot de béton et de métal échoué dans le Vieux-Port. Combien de fois êtes-vous passé devant le silo numéro 5 avec l'envie d'en savoir plus sur ce lieu silencieux, abandonné?

Voilà justement ce que propose Héritage Montréal, qui organise une série de visites au silo numéro 5 au cours des trois prochains week-ends. Pour une rare fois, les visiteurs auront même la chance de pénétrer dans une partie de l'immense ensemble industriel situé au pied de la rue McGill.

«Pour le public, pénétrer dans le bâtiment sera une révélation, croit Dinu Bumbaru, directeur des politiques à Héritage Montréal. J'y suis entré il y a une quinzaine d'années. C'était très impressionnant.»

À l'époque, rappelle M.Bumbaru, le commerce du grain s'essoufflait à Montréal. Le silo numéro 5 venait d'être abandonné. Des voix s'élevaient pour réclamer la destruction des lieux. Mais grâce entre autres à une campagne du groupe de conservation, l'ensemble monumental a pu être sauvé.

Alors qu'Héritage Montréal fête son 35e anniversaire, il semblait donc normal d'organiser une visite dans ce lieu aussi lié à l'histoire du groupe.

«On a tendance à dire «ce n'est qu'un silo», relève M.Bumbaru. Mais tout ce complexe, cette espèce de bête endormie, a un jour relié l'Europe à l'Asie. Ce lieu témoigne de la grande ambition commerciale de la ville. Montréal, à cette époque, était la porte du continent.»

Les Montréalais l'oublient - plusieurs l'ignorent - mais jusqu'en 1970, le port de Montréal était le plus important port de blé au monde. Le silo numéro 5 faisait partie d'un vaste réseau s'étirant de Montréal jusqu'aux Prairies.

Deuxième vie

Même si la ville a depuis longtemps perdu sa place de plaque tournante du commerce du blé, la visite du silo numéro 5 nous y replonge rapidement, note M.Bumbaru.

«Visiter le silo permet de saisir l'ambition d'un tel lieu, de constater la complexité de toute l'opération, note-t-il. Il s'agissait de transborder le blé, de le mesurer et de l'entreposer en vue d'être chargé sur un bateau. En haute saison, ça roulait à toute heure du jour.»

Les visites du silo numéro 5 sont organisées en collaboration avec la Société immobilière du Canada (SIC), qui devrait bientôt hériter du secteur de la Pointe-au-Moulin et serait par le fait même chargée de trouver une deuxième vie au silo.

Selon le vice-président aux acquisitions stratégiques de la SIC, Gordon McIvor, des annonces seront faites avant Noël concernant le silo numéro 5. Il précise toutefois qu'aucun projet concret de reconversion n'est envisagé pour le moment.

Au fil des ans, il a été question de faire des condos dans le bâtiment - qui serait en fait trop étroit pour en accueillir - et de transformer le lieu en musée d'art contemporain.

«Nous avons travaillé sur la reconversion du projet Benny Farm dans NDG, explique M.McIvor. Les Montréalais sont à même de constater notre soucis du patrimoine. Nous entendons ne pas faire moins dans le dossier du silo numéro 5.»

M.McIvor estime que les visites du site sont un bon moyen pour les Montréalais de se familiariser avec le silo et de mieux saisir les enjeux qui entourent sa transformation.

Les visiteurs vont faire le tour du site de la Pointe-au-Moulin, nom donné à la jetée sur laquelle a été construit le silo long de près d'un demi-kilomètre. Ils pourront entrer au rez-de-chaussée de l'élévateur B, l'une des plus vieilles parties du silo, construite de métal en 1907.

«Les silos ont d'abord été construits en bois, puis en métal, et finalement reconstruits en béton, note M.Bumbaru. L'élévateur B date du début du siècle. C'est un témoin de cette époque.»

Les visites du silo no 5 auront lieu les samedis et dimanches jusqu'au 24 octobre et les réservations sont obligatoires. Héritage Montréal envisage d'en organiser d'autres au printemps. Pour plus d'informations : www.heritagemontreal.org