Muscles gonflés pour lui, poitrine siliconée pour elle, tatouages et bronzage extrême pour tous. Les nouveaux ginos se font maintenant appeler douchebags, un mot emprunté aux anglos qui gagne en popularité au Québec. Sous l'influence de l'émission de téléréalité Jersey Shore, le douchebag se décline en chansons et en soirées, comme au Moomba de Laval où on célèbre ce soir la «Douchebag Solidarity».

«Il me faut 25 minutes pour me coiffer avant de sortir. Et chaque fois, c'est parfait.» Les amateurs de l'émission de téléréalité américaine Jersey Shore se souviendront sans doute du jour où leur monde a rencontré celui de Pauly D: DJ, amateur de bronzage en cabine, de gonflette et de gel coiffant.

C'était en hiver. Depuis, Pauly D et ses sept colocs ont tourné une deuxième saison de Jersey Shore à Miami. Ils arrivent en version française lundi à Musique Plus. Ce ne sera pas la première percée de Jersey Shore ici puisque Pauly D a été l'invité du Moomba de Laval, plus tôt cet été.

C'est aussi dans ce haut lieu de la nuit lavalloise que se déroule ce soir la soirée «Douchebag Solidarity». La boîte accueille le duo Jump Smokers, connu notamment pour sa chanson Don't Be a Douchebag. L'affiche de la soirée est ornée de photos de vrais spécimens de jeunes hommes trop bronzés aux cheveux sculptés par le gel.

«La chanson veut dire: «N'essaie pas d'être plus cool en boîte que ce que tu es.» C'est quelque chose qu'on aime et que la boîte veut pousser», dit Stephen Selao, directeur du marketing pour le promoteur de la soirée, Big Moe Productions.

Douchebag 101

Mais qu'est-ce qu'un douchebag? C'est la question que se sont posée des spectateurs de la soirée «Hipsters vs Douchebags» organisée en février dernier dans un bar du Plateau-Mont-Royal. Aux profanes, l'humoriste Gabriel Roy a dédié une vidéo, Douchebagism 101, vue plus de 100 000 fois sur YouTube.

«C'est une dénomination donnée à un certain type de personnes, super bronzées, super musclées», explique Gabriel Roy. Autres signes qui ne trompent pas, selon lui: «les dessins au clipper dans la tête», les «shows de boucane». Les t-shirts Ed Hardy et une estime de soi très élevée sont aussi des indices.

Né aux États-Unis au tournant des années 90 sous l'influence de groupes hip-hop blancs, le terme peu élégant de douchebag (en référence à l'hygiène intime féminine) a connu une deuxième jeunesse sous l'influence du site Hot Chicks With Douchebags et de chansons telles que We Are Douchebags.

«Le mot n'est pas flatteur, mais c'est devenu flatteur pour ceux qui s'y reconnaissent», avance William Laporte, 20 ans, créateur du groupe «Les règles du douchebag hunting», qui réunit 11 000 membres sur Facebook.

Le douchebag à la québécoise

Dans la langue de Loft Story, le mot ne se traduit pas, mais le phénomène existe bel et bien ici. «J'étais à une fête et on se montrait des photos quétaines. Le groupe Facebook «Dites non aux Martin» a été le clou du party. Mais, en fait, ils étaient tous des douchebags. Je ne connaissais pas le mot», dit Stéphane, 26 ans.

C'est à cette découverte que Stéphane, connu sous le nom de Pellep, Pellep, Pellep, doit le succès de sa chanson On n'est pas des douchebags, dont la vidéo a été vue 240 000 fois sur YouTube. «Personne ne connaissait les douchebags avant, mais il y avait sans doute un besoin criant.»

Depuis, le concept gagne en popularité. «Il y a des gens qui s'appellent douchebag entre eux. On est dans un nouveau degré de douchebagness», affirme l'auteur qui se cache derrière le pseudo le_douchebag sur Twitter et décline le mot pour les femmes (douchess) et les gais (douchefags).

Le nouvel Elvis Gratton?

Pourquoi les blagues sur les douchebags fleurissent-elles sur la Toile? «C'est la revanche du nerd», croit Gabriel Roy. Parce que l'internet reste le domaine des maniaques d'informatique, qui, au secondaire, ont enduré les moqueries des gars sportifs, explique Roy.

Comme les hipsters, les douchebags restent le produit de leur époque. «Le phénomène douchebag, c'est l'apogée du conservatisme, c'est la culture de puissance de la classe moyenne. Ce sont des hyperconsommateurs, contrairement aux hipsters qui travaillent dans un café au salaire minimum et vivent à six dans un appartement», soutient le_douchebag.

Selon Gabriel Roy, si le concept est si populaire, c'est que nous avons tous une part de douchebag en nous, qui peut être enfouie sous une couche de snobisme. «Moi, j'adore le jazz, c'est bon à dire dans un 5 à 7. J'aime aussi les pick-ups, mais je ne le dirais pas. Le douchebag, lui, aime juste ce qu'il aime. C'est l'Elvis Gratton de 2010.»