Madonna, Britney Spears, Christina Aguilera, Katy Perry, Scarlett Johansson et Tila Tequila. Plus qu'une simple tendance venue d'Hollywood, les «frenchs» entre filles font désormais partie intégrante du paysage des bars québécois, au même titre que les tournées de shooters et les «cercles de sacoches» sur Like a Prayer. Étude d'un phénomène qui n'a pas grand-chose d'homosexuel.

«Quand je travaille, je vois en moyenne six à 10 filles par soir s'embrasser, évalue Nick, promoteur au Club La Boom, autrefois le Fuzzy, à Brossard. Je dirais que c'est surtout populaire chez les 18-22 ans.»

Bien que cette mode soit surtout répandue chez les jeunes filles, elles ne sont pas les seules à se prêter au jeu selon Raphaël, barman à Montréal depuis six ans. «Il y aussi des femmes âgées entre 30 et 40 ans qui essaient, dit-il. Vu qu'elles sortent moins souvent, elles boivent plus et sont plus enclines à faire ce genre de folies.»

Certes, ces langoureux baisers sont souvent accompagnés d'un fort taux d'alcoolémie dans le sang, histoire de bien délier les langues. «Généralement, ça commence avec un gars qui dit à deux filles : "Vous êtes pas game de frencher." Au début, elles refusent et, pour les convaincre, il leur paye un verre, indique Raphaël. Vers 1 h, il réussit à avoir ce qu'il veut.» En effet, selon lui, ce moment de la soirée n'a rien d'innocent. «C'est sûr qu'on ne verra jamais deux filles faire ça l'après-midi au café Céramik, dit-il. Vers 1 h, les filles sont réchauffées, juste assez heureuses.»

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Britney Spears et Madonna

La genèse

Contrecoup de l'alcool, technique de séduction, expérience bicurieuse, influence des starlettes de Hollywood... Quand vient le temps de trouver des explications à ces baisers 100 % féminin, les théories sont multiples. «Dans les clubs, il y a des filles qui font semblant d'être lesbiennes pour ne pas se faire déranger par les gars, explique Nick. Mais je pense que la plupart le font au contraire pour attirer l'attention des gars. Et le pire, c'est que ça marche. On voit souvent cinq ou six gars s'attrouper autour d'elles et ensuite leur payer des verres. Ça devient tout un show !»

Même s'il considère qu'il agit d'une explication un peu facile, le DJ Clifford Brown cite l'industrie du divertissement lorsque vient le temps de parler de cette tendance. «Depuis l'explosion des sites de potinage comme Perezhilton.com et le fameux baiser échangé entre Madonna et Britney au MTV Awards, il y a eu une banalisation générale du french. Le french, c'est le nouveau câlin», dit-il.

De son côté, Raphaël associe l'éclosion du french lesbien à l'apparition du site YouPorn.com. Créé il y a quatre ans, ce site pornographique aurait permis, d'après lui, de démocratiser l'accès aux vidéos XXX auprès de la gente féminine. «En se promenant sur YouPorn, elles ont découvert que c'était populaire chez les filles de s'embrasser. Elles ont trouvé ça hot et ça leur a donné le goût de faire la même chose», dit-il.

L'organisatrice des soirées Frenche ou meurs, Zélia Lefebvre, croit quant à elle que c'est à cause des gars si les filles s'embrassent aujourd'hui. «Ils ne veulent plus frencher ! Ils sont trop gênés et ne font pas les premiers pas, justifie-t-elle. Pourtant, les filles au Québec sont tellement belles !»

Passer à l'acte

Si les filles s'en donnent à coeur de joie sur la piste de danse, c'est une autre paire de manches dans la chambre à coucher.

Karine Dubé est une bisexuelle assumée depuis une dizaine d'années. À plusieurs reprises, son mari et elle ont proposé à de jeunes femmes rencontrées dans les bars de se joindre à eux pour la nuit. Mais à leur grand désarroi, les expériences se sont plutôt mal terminées. «Y'a beaucoup de filles qui font semblant d'être bi, dit-elle. Quand vient le temps de passer à l'acte, elles figent ou refusent de faire quoi que ce soit si un gars n'est pas là pour les regarder. Ça me fâche ! Surtout quand elles essaient d'en profiter pour me voler mon chum.»

D'après Karine, beaucoup de jeunes filles ont peur de pousser l'expérience plus loin parce qu'elles craignent d'y prendre goût, de tomber en amour et de découvrir qu'elles sont lesbiennes. «Être bisexuelle, c'est aimer les hommes et les femmes de façon égale, ajoute-t-elle. C'est pas juste frencher une fille dans un bar pour se faire payer des bières.»

URBANIA

Catherine Perreault-Lessard est rédactrice en chef du magazine Urbania. Visitez urbania.ca.